La censure sur les réseaux sociaux

L

Les dangers juridiques de la traque à la «désinformation»

Andrea Frattolillo, MLaw * , Lausanne

Zusammenfassung: Dass die Inhalte von Social-Media-Plattformen moderiert werden, ist kein neues Phänomen. Die jüngsten Löschungen von Inhalten im Kontext von Desinformation werfen hingegen neue juristische Fragen auf, da sie die Meinungs- und Informationsfreiheit (Art. 16 BV) in Gefahr bringen. Um diesem Risiko zu begegnen, die verschiedenen Verantwortlichkeiten zu definieren und die öffentliche Debatte zu schützen, erscheint die Implementierung eines gesetzlichen Rahmens notwendig. Die Kompetenzen im Kommunikationswesen (Art. 92 und 93 BV) scheinen indessen nicht ausreichend, um es dem Bund zu erlauben, ein Gesetz über die Sozialen Medien in ihrer Gesamtheit zu erlassen.

Résumé: La modération des contenus sur les réseaux sociaux n’est pas un phénomène nouveau. Les récentes suppressions de contenus en lien avec le phénomène de la désinformation posent cependant de nouvelles questions juridiques car elles mettent en danger la liberté d’opinion et d’information (art. 16 Cst.). Pour faire face à ce risque, définir les différentes responsabilités et protéger le débat public, la mise en place d’un cadre légal apparaît comme nécessaire. Les compétences en matière de communication (art. 92 et 93 Cst.) ne semblent toutefois suffisantes pour permettre à la Confédération d’adopter une loi sur les réseaux sociaux dans leur ensemble.

Table des matières

I. Introduction      
     A. L’impact des réseaux sociaux    N 1
     B. Les réseaux sociaux comme nouveaux arbitres du vrai ?     3
     C. La désinformation et les désordres de l’information    
          1. Le problème    6
          2. Pas de définition unanime     7
          3. Les désordres de l’information    
              a. La mésinformation     10
              b. La désinformation     11
              c. L’information malveillante     12

II. L’interdiction de la censure : noyau dur des libertés de communication   
     A. Le fondement : La liberté d’opinion et d’information (art. 16 Cst.)      13
          1. L’opinion     16
          2. L’information     18
          3. Les désordres de l’information comme opinions et informations     20
     B. L’interdiction de la censure    
          1. La modération sur les réseaux sociaux comme censure non étatique     23
          2. L’inapplicabilité de l’art. 17 al. 2 Cst. aux réseaux sociaux     25

III. La régulation du débat en ligne : entre nécessité et possibilité   
     A. Une mise en œuvre légale nécessaire     27
     B. La recherche d’une base constitutionnelle     28
          1. L’art. 92 Cst. et la communication privée     29
          2. L’art. 93 Cst. et la communication de masse    31

IV. Conclusion     37

I. Introduction

A. L’impact des réseaux sociaux

1

Avec l’arrivée de la révolution numérique et des différents comportements sociétaux de cette dernière décennie, les réseaux sociaux[1] sont devenus un incontournable de la communication en ligne. Cela est notamment dû à leur facilité d’utilisation, leur diversité[2], leur gratuité et leur disponibilité sur pratiquement tous les supports informatiques, qu’il s’agisse d’un ordinateur, d’un téléphone mobile, d’une montre connectée ou encore d’une tablette. La montée en puissance de ces plateformes et des géants de l’informatique derrière celles-ci a bousculé les équilibres établis en mélangeant communication individuelle et de masse, et a permis de créer un nouvel espace public où tout un chacun a la possibilité de s’exprimer[3].

2

Les réseaux sociaux posent également beaucoup de questions juridiques. Parmi les diverses interrogations qui ont récemment occupé les tribunaux et la doctrine, on peut notamment mentionner des problèmes de restrictions d’accès à ceux-ci[4], une extension du champ d’application de l’infraction de diffamation[5], ou encore la définition juridique de la notion de média[6].

B. Les réseaux sociaux comme nouveaux arbitres du vrai ?

3

Victimes de leur succès, les réseaux sociaux font régulièrement l’objet de critiques, certaines plus virulentes que d’autres[7]. Celle qui nous intéresse et qui fera l’objet de cette étude a trait au problème de la désinformation. En effet, depuis l’élection américaine de 2016, ces plateformes et leurs algorithmes sont sous le feu des projecteurs, car ils permettraient la transmission facile de « fausses informations »[8]. Les différents scandales et autres accusations gouvernementales n’ont pas aidé à redorer l’image des réseaux sociaux[9].

4

Conscients de leur rôle dans le débat public, ces plateformes ont récemment commencé à s’ériger en rempart contre la désinformation et à modérer massivement les contenus présents sur leurs réseaux[10]. Partant d’une bonne intention, la modération peut facilement flirter avec le blocage et la suppression d’informations, et la limite avec la censure devient alors difficile à tracer[11]. Certains exemples sont d’ailleurs notables, comme la censure d’un tweet incitant à la violence de l’ancien président américain Donald Trump[12]. Certains cas moins « médiatiques » méritent cependant une plus grande attention de notre part, car ils représentent déjà les dérives d’une application trop stricte de cette chasse à la fausse information. S’il semble y avoir un consensus sur la suppression de contenus ayant trait aux théories du complot[13], bien que ce postulat pourrait déjà être remis en question, d’autres publications plus anodines commencent à être effacées, telles que des œuvres d’art[14] ou encore des parodies[15], avec des cas qui nous laissent perplexes[16].

5

Un tel procédé n’est toutefois pas à prendre à la légère car il peut potentiellement ouvrir une boîte de Pandore et permettre un contrôle des contenus pouvant dépasser la limite du tolérable. Ainsi, avant d’analyser les conséquences juridiques de ces opérations, il nous semble nécessaire de mieux définir le problème du « faux ».

C. La désinformation et les désordres de l’information

1. Le problème

6

L’un des fondements de notre société est l’établissement de la vérité[17], ou plutôt, de vérités[18]. Il est par conséquent surprenant de voir avec quelle rapidité les fausses informations sont répandues. Bien que le problème des erreurs dans l’information ne soit pourtant pas nouveau[19], leur nombre n’a cessé d’augmenter et leur mode de propagation a profondément changé. La révolution numérique a en grande partie contribué à cela, en rendant notamment la technologie plus accessible, en modifiant les habitudes des consommateurs d’information, et en redéfinissant la vitesse et les différentes étapes du cycle informatif[20]. Les désordres de l’information ne viennent plus « d’en haut », soit des médias de masse, mais sont principalement relayées par « en bas », soit par les consommateurs des informations[21].

2. Pas de définition unanime

7

Les fausses informations, plus connues sous leur dénomination anglophone « fake news », étant au cœur de la traque menée par les réseaux sociaux, il convient de déterminer de quoi il s’agit, avant de s’intéresser au phénomène sous l’angle juridique.

8

Qu’on soit en sociologie ou en droit, il n’existe pas de définition unanime du terme. Les quelques tentatives récentes montrent cependant que les auteurs tendent à définir le concept de manière large et à se focaliser sur l’aspect du « faux »[22]. Le phénomène est toutefois plus complexe que la « simple » détermination du vrai et appelle des définitions plus précises en fonction de la forme qu’il prend.

9

Ainsi, en nous basant sur les travaux du Conseil de l’Europe[23] et de certains sociologues[24], nous parlerons donc dans la suite de l’exposé de désordres de l’information, parmi lesquels on retrouve la désinformation, la mésinformation et l’information malveillante. Cette terminologie nous paraît plus adaptée car elle se base sur la différence entre fausseté d’une information et son caractère nuisible. La mésinformation représente uniquement le caractère faux de l’information, l’information malveillante se trouve uniquement du côté nuisible, et la désinformation réunit les deux ensembles[25].

3. Les désordres de l’information

a) La mésinformation

10

La mésinformation est une information fausse, qui n’est pas créée dans l’intention de nuire[26]. Il s’agit d’erreurs non intentionnelles telles que des données inexactes (dates, statistiques, traductions, etc.) ou de la satire interprétée sérieusement[27].

b) La désinformation

11

Lorsqu’on parle de désinformation, on se réfère à une information fausse délibérément créée pour porter préjudice à une personne, un groupe social, une organisation ou un pays[28]. Elle peut prendre la forme de contenus audiovisuels fabriqués ou délibérément manipulés, ou encore de théories ou rumeurs conspirationnistes créées intentionnellement[29].

c) L’information malveillante

12

L’information malveillante constitue une information fondée sur des faits réels, utilisée pour porter préjudice à une personne, une organisation ou un pays[30]. On classe dans ce type d’informations les différentes expositions publiques d’informations privées à usage personnel ou professionnel, ou encore les modifications délibérées du contexte, des dates ou de l’époque de contenus véridiques[31].

II. L’interdiction de la censure : noyau dur des libertés de communication

A. Le fondement : La liberté d’opinion et d’information (art. 16 Cst.)

13

Bien qu’étant formellement inscrite à l’art. 17 al. 2 Cst., soit dans la disposition protégeant la liberté des médias, la doctrine et la jurisprudence estiment que l’interdiction de la censure vaut de manière générale pour toutes les libertés de communication, et qu’elle en constitue le noyau intangible à côté de la protection du for intérieur[32]. Il est donc nécessaire de déterminer dans un premier temps si les désordres de l’information sont couverts par ces libertés, avant d’analyser si l’interdiction de la censure s’applique à ce cas de figure.

14

Nous faisons le choix de traiter cette question uniquement sous l’angle de la liberté d’opinion et d’information (art. 16 Cst.) pour deux raisons. Premièrement, en tant que liberté générale et subsidiaire, l’art. 16 Cst. n’entre en considération que si aucun rattachement une des libertés plus spécifiques, telle que la liberté des médias (art. 17 Cst.), n’est pas possible[33]. En analysant la liberté d’opinion et d’information, on s’assure donc de prendre en compte tous les aspects des libertés de la communication. Deuxièmement, la communication sur les réseaux sociaux étant naturellement hétéroclite, elle ne peut, du moins dans son entier, être qualifiée de médiatique[34], artistique ou autre. Ainsi, l’application de l’art. 16 Cst. ne préjuge pas d’une potentielle protection par une liberté plus caractéristique dans un cas d’espèce.

15

En tant que clef de voûte des libertés de communication, la liberté d’opinion et d’information de l’art. 16 Cst. garantit à toute personne le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion (al. 2) et de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser (al. 3).

1. L’opinion

16

Par opinions protégées par la liberté d’opinion, on entend toute appréciation, idée, manifestation de pensée, prise de position, conception, création artistique et littéraire, voire toute activité politique qui peut être communiquée à un tiers[35]. Il n’est pas nécessaire que ces expressions ou convictions ne soient réfléchies ou rationnelles, ce droit fondamental protégeant également opinions « émotionnelles »[36] et les non-sens[37]. Pour Dubey, la notion d’opinion, à distinguer de celle d’information, se définit comme un « message qui résulte de l’intention de communiquer une pensée, qu’il s’agisse d’un idée (avis, jugement etc.) ou d’un état d’esprit (émotion, sentiment, etc.) »[38].

17

Cette protection est très large et vaut indépendamment de la qualité et ou de la valeur de l’opinion[39]. On vise ici tous les « produits » et messages de la pensée humaine[40]. Pour reprendre la formule de Strasbourg, cette liberté vaut « pour les «informations» ou «idées» accueillies avec faveur ou considérées comme seulement inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. »[41].

2. L’information

18

« La protection juridique d’une opinion exprimée dans le vide n’aurait, dans les faits, aucun sens »[42]. Par cette affirmation, le Tribunal fédéral consacrait la liberté d’information en protégeant le pendant passif de la communication, soit le côté du destinataire. Considérée comme le miroir de l’opinion[43], l’information peut cependant prendre différentes formes. En effet, en fonction de son acception, une information peut à la fois être considérée comme un contenu, un procédé ou un état[44]. En tant que contenu, l’information est comprise au sens de message avec un but et une utilité, définis en fonction du contexte dans lequel il intervient[45]. En tant que procédé, l’information prend être comprise de plusieurs manières, en fonction des modalités de la transmission, allant de la notification à la mise à disposition en passant par le renseignement[46]. Quand l’information est un état, elle se rapproche de la notion de connaissance, mais dans une dimension plus objective[47].

19

Par opposition à l’opinion, l’information dont il est question ici est celle de la première acception, soit le message avec un contenu précis[48]. Cependant, en tant que clause générale, la liberté de l’art. 16 Cst. vise et protège de la même manière[49] toutes les acceptions ci-dessus, que ce soit dans la liberté de former, d’exprimer et de rependre librement son opinion (al. 2) ou dans la liberté de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser (al. 3).

3. Les désordres de l’information comme opinions et informations

20

Avant de se poser la question d’une potentielle atteinte à l’art. 16 Cst., il est nécessaire de déterminer si les désordres de l’information entrent dans le champ de protection matériel de la liberté. En effet, admettre leur protection pourrait être considérée comme une remise en question de l’établissement de la vérité. De plus, vu la chasse qui leur est faite, on pourrait rapidement arriver à la conclusion qu’il ne convient pas leur accorder le bénéfice de ce droit fondamental.

21

Un tel postulat doit toutefois être rejeté pour deux raisons. En premier lieu, la vérité n’est pas une entité dématérialisée ou une divinité qui par nature nous apparaît comme univoque et immuable. Elle s’obtient par les échanges communicationnels et par la détermination de petites vérités ou exactitudes factuelles[50]. Pour dire d’une information qu’elle est « fausse », il convient d’abord d’établir ce qui est « vrai » et de les confronter ensuite[51]. On peut donc déterminer qu’une information mérite la protection constitutionnelle, qu’elle soit vraie ou fausse, car elle permet toujours de se rapprocher de la vérité[52]. À titre d’exemple, on peut mentionner la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de radio-télévision, dans laquelle il avait déjà admis que l’on pouvait admettre une marge d’erreur pour les journalistes qui reportent l’actualité[53].

22

En second lieu, la protection découle également du large champ de protection décrit ci-dessus[54]. En effet, il paraîtrait peu convaincant d’accorder plus de droits constitutionnels à une personne exprimant une opinion ou émotion « irrationnelle » et la refuser à celle qui communique une information incorrecte ou avec l’intention de nuire[55]. Selon nous, ces éléments ne doivent être pris en considération que dans un deuxième temps, c’est-à-dire lorsque l’on se pose la question d’une potentielle restriction au sens de l’art. 36 Cst.

B. L’interdiction de la censure

1. La modération sur les réseaux sociaux comme censure non étatique

23

La censure peut avoir plusieurs acceptions en fonction du moment où elle intervient, et de la forme qu’elle prend. Quand la distinction s’opère temporellement, on oppose la censure dite préventive, soit avant l’expression de l’opinion, de celle dite répressive, qui se produit une fois que l’opinion a été émise[56]. Si l’on se base sur la forme qu’elle prend, on différencie la censure dite formelle, soit la soumission d’une opinion à une procédure de contrôle de contenu, de la censure matérielle, qui est constituée de la mesure de référence pour pratiquer ce contrôle[57]. Dans tous les cas, ils s’agit de l’ensemble des mesures visant à influencer ou contrôler directement le contenu ou la transmission d’informations[58]. Dans un tel cas de figure, toute atteinte aux libertés de la communication pourrait être déjà considérée comme constitutive de censure prohibée au sens de l’art. 17 al. 2 Cst. Ainsi, pour certains auteurs, seule la censure préventive et systématique porte atteinte au noyau intangible des art. 16 ss Cst., les autres censures étant admises, moyennant le respect des conditions de l’art. 36 Cst.[59] Il convient toutefois d’éviter d’être trop schématique, car un contrôle systématique après publication peut être tout autant problématique s’il empêche, dans les faits, la transmission de certains contenus[60].

24

Dans le cas des réseaux sociaux, la modération a posteriori d’un contenu publié sur leur plateforme s’apparente donc à de la censure répressive, qu’elle se fasse sur signalement ou qu’elle soit l’œuvre d’un algorithme programmé à cet effet. Si ce procédé ne porte en soi pas atteinte au noyau intangible de la liberté d’opinion et d’information, il n’en reste pas moins problématique sous l’angle des libertés de communication. En effet, la censure matérielle de certains contenus, comme la pornographie qualifiée (art. 197 al. 3 et 4 CP) ou encore l’incitation à la haine (art. 261bis CP), est certes en accord avec le droit suisse, mais la suppression de mésinformation[61] ne trouve, pour l’instant, aucun pendant dans le droit positif suisse[62]. Pour ce qui est de la désinformation, on en trouve certaines formes dans le code pénal, comme la calomnie (art. 174 CP), mais elle n’est pas réprimée de manière générale comme désordre de l’information. Le blocage de ces contenus ne respecterait donc pas les conditions de l’art. 36 Cst., qui exige notamment la présence d’une base légale. De plus, lorsqu’une de ces plateformes décide de restreindre l’accès à des contenus légaux en raison d’une politique interne, elle devrait le faire de manière transparente et conformément au principe de proportionnalité, c’est-à-dire en utilisant les moyens techniques les moins contraignants et en limitant l’ampleur et la durée[63]. À cet égard, une mesure envisageable, et déjà pratiquée par certains réseaux sociaux, serait celle d’indiquer sur une publication litigieuse, que celle-ci est considérée comme incorrecte par la communauté, ou qu’il existe un doute sur sa régularité[64].

2. L’inapplicabilité de l’art. 17 al. 2 Cst. aux réseaux sociaux

25

Depuis que la presse existe, et que les moyens de communication de masse ont commencé à se développer, le pouvoir en place, autrefois religieux, aujourd’hui étatique, a toujours voulu garder la main mise sur la transmission d’informations et des idées, notamment pour s’assurer de leur conformité avec la doctrine prodiguée[65]. Cette répression du discours public est à la base du combat pour la liberté de la presse et d’expression et explique pourquoi la grande majorité des définitions de la censure se réfèrent à des mesures étatiques[66]. Cette opposition à l’État est également au fondement de la protection des droits fondamentaux, qui sont principalement conçus comme des droits de défense face aux autorités[67]. Pour cette raison, la protection des droits fondamentaux reste un devoir de l’État, qui ne saurait être mis à la charge des particuliers.

26

Malgré l’impact et l’influence toujours croissante de ces plateformes sur nos échanges et sur le débat public, leur présence quasiment ubiquitaire dans le monde numérique ou encore leur chiffre d’affaire colossal, les multinationales derrière les réseaux sociaux restent des personnes privées, que ce soit en droit interne ou en droit international. En tant que particuliers en relation contractuelle avec d’autres particuliers, la modération opérée reste dans le cadre de la liberté contractuelle des parties[68]. Ainsi, et ce malgré la position de certains organismes internationaux[69], on ne saurait leur reprocher de ne pas respecter les libertés fondamentales d’autrui, surtout lorsque les milieux politiques leur demandent de se positionner sur la question et tendent à leur remettre la responsabilité des contenus publiés. De plus, vu le flou qu’il règne autour des potentielles sanctions qu’elles encourent, les entreprises concernées peuvent, dans le doute, être amenées à censurer des contenus, plutôt que de prendre le risque de laisser un contenu litigieux sur leur plateforme. Certains auteurs appellent ce phénomène la « censure collatérale »[70]. Il convient donc désormais de déterminer si une action de l’État est nécessaire pour pallier ce problème et réguler le débat en ligne.

III. La régulation du débat en ligne: entre nécessité et possibilité

A. Une mise en œuvre légale nécessaire

27

Selon l’art. 35 al. 3 Cst., les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux. Une telle intervention de l’État n’est possible que lorsque celle-ci est nécessaire pour garantir l’efficacité et l’effectivité des droits fondamentaux[71]. En plus des dangers d’une censure liée à une modération trop stricte des contenus, deux autres raisons appellent à une réglementation en la matière. Premièrement, poser un cadre sur les limites d’intervention des réseaux sociaux aurait pour corollaire de définir plus clairement leur responsabilité en la matière[72]. Deuxièmement, et cela vaut pour la communication en ligne en général, les réseaux sociaux ont désormais un rôle essentiel dans le débat public[73], et il convient de garantir ce « marché libre des idées »[74].

B. La recherche d’une base constitutionnelle

28

Pour que le législateur puisse légiférer sur les réseaux sociaux, il faut d’abord déterminer s’il existe une compétence de l’État en la matière. Dans la constitution fédérale, seules deux dispositions donnent à la Confédération des compétences en matière de communication : les art. 92 et 93 Cst.

1. L’art. 92 Cst. et la communication privée

29

L’art. 92 al. 1 Cst. donne à la Confédération la compétence en matière de services postaux et des télécommunications. Pour ce qui concerne ce deuxième aspect, il couvre la transmission, au moyen de techniques de télécommunication, d’informations qui ne sont pas destinées au public en général[75]. La doctrine[76] est assez unanime sur le fait que cette compétence vise les communications privées ou individuelles, comme le montrent les différents exemples souvent cités (téléphone, e-mail, fax, etc.)[77]. Il est en revanche controversé de savoir si la communication en ligne « de masse » mais non « médiatique » (soit, par exemple, les différentes publications d’un profil Facebook[78]), entre dans le champ d’application de cette disposition ou non[79]. Comme nous le verrons plus bas[80], nous sommes de l’avis qu’une telle communication doit être qualifiée de privée et qu’elle doit donc être analysée uniquement sous l’angle de l’art. 92 Cst.

30

En conséquence, l’art. 92 Cst. n’est, à lui seul, pas une base suffisante pour adopter une loi sur les réseaux sociaux. En tant qu’il traite de la communication privée et qu’il permet de régler les questions techniques, il pourrait cependant en servir de base partielle, s’il était accompagné d’une autre disposition pour ce qui est de la communication de masse. En effet, une partie des publications et autres échanges sur les réseaux sociaux entre toujours dans la définition des télécommunications couvertes par cette compétence et il n’est pas nécessaire d’y apporter de modification.

2. L’art. 93 Cst. et la communication de masse

31

L’art. 93 al. 1 Cst. donne à la Confédération la compétence d’édicter une loi sur la radio et la télévision ainsi que sur les autres formes de diffusion de productions et d’informations ressortissant aux télécommunications publiques. À la différence de l’art. 92 Cst., cet article vise donc la communication de masse.

32

Depuis plusieurs années, la portée de cette compétence fait débat, surtout la clause générale qu’elle inclut. En effet, une partie de la littérature prône une interprétation large de la disposition, en admettant qu’elle permet à la Confédération de légiférer sur toute la communication en ligne[81]. Une autre partie a une approche plus restrictive, en estimant que le pouvoir du législateur s’arrête à la radio et la télévision[82]. Dans cette dichotomie, seule la première solution offre déjà actuellement la possibilité au législateur d’édicter une loi sur les réseaux sociaux, si elle est combinée à l’art. 92 Cst.[83]

33

Dans sa récente étude sur la question, Masmejan est arrivé à une conclusion qui se rapproche de la vision étendue de l’art. 93 Cst., en admettant que la compétence de l’État devait s’étendre aux plateformes numériques tels que les réseaux sociaux[84]. La différence notable avec la doctrine exposée ci-dessus, outre le fait qu’elle ne s’intéresse pas directement au conflit en tant que tel, est que son point de vue se base sur l’art. 93 Cst. comme unique compétence de l’État en la matière[85]. Selon lui, en effet, le caractère public de la diffusion de messages, nécessaire à la l’application de la norme constitutionnelle, « doit se mesurer au regard des buts poursuivis par cette disposition, plutôt qu’à l’aune de critères techniques »[86]. À cet égard, il convient de se focaliser davantage sur « [l]’influence que peut exercer tel ou tel format de diffusion sur le débat public et la formation de l’opinion […] que [sur] le nombre d’abonnés à un page Facebook ou un compte Twitter, ou de membres d’un groupe de discussion sur WhatsApp. »[87]

34

Si nous le rejoignons sur l’importance de ces plateformes dans le débat public, et sur la nécessité de les réguler pour éviter une censure collatérale et de permettre une meilleure protection des libertés fondamentales en la matière[88], nous ne partageons pas son interprétation de l’art. 93 Cst., en particulier de la notion des « autres formes de diffusion de productions et d’informations ressortissant aux télécommunications publiques ». Effectivement, pour nous, comme pour le reste de la doctrine citée plus haut, l’art. 93 Cst. n’a trait qu’à la communication publique, et ne permet pas, à lui seul, de couvrir toutes les formes de communication envisageables sur les réseaux sociaux. Même si on admettait que cette norme permet une loi élargie pour la communication en ligne, elle ne suffirait pas à réguler ces plateformes.

35

De surcroît, et sans prétendre à vouloir régler exhaustivement le débat doctrinal autour de l’art. 93 Cst., nous estimons que même avec une application conjointe de l’art. 92 Cst., une loi sur les réseaux sociaux, du moins dans leur intégralité, n’est actuellement pas possible. Notre opinion se base principalement sur la formulation de l’art. 93 Cst. dans son ensemble, en particulier de son alinéa 4. Ce dernier dispose que la situation et le rôle des autres médias, en particulier de la presse, doivent être pris en considération. Comme nous l’avons exposé dans une précédente publication, cet alinéa doit être interprété comme limitant la portée de l’art. 93 al. 1 Cst. en faveur de la presse[89]. En se basant sur l’évolution actuelle du droit des médias, nous sommes arrivés dans un premier temps à la conclusion qu’il était nécessaire d’élargir la conception juridique en y incluant la presse numérique[90]. Dans un deuxième temps, nous avons analysé la systématique des articles de la constitution en lien avec la presse, l’historique de l’art. 93 Cst. et surtout le but de l’art. 93 al. 4 Cst. pour déterminer que celle-ci ne pouvait entrer dans la compétence de la Confédération, du moins dans sa mouture actuelle[91]. Ainsi, si l’on souhaitait actuellement édicter une loi sur les réseaux sociaux, il faudrait d’abord déterminer ce qui ressort de la presse numérique, soit des présentations et diffusions d’informations en ligne au moyen de texte et d’images qui se rapprochent de la presse papier[92]. Une telle distinction s’avérerait compliquée pour certaines plateformes, mais elle n’est théoriquement pas impossible[93].

36

Selon nous, il est donc nécessaire d’envisager une modification de l’art. 93 Cst. pour mieux protéger le débat en ligne et les libertés de communication. Cela permettrait d’adopter une loi complète sur ces plateformes et de mieux définir leurs responsabilités dans le cadre du débat public[94]. En effet, l’art. 92 Cst. offre certes la possibilité à la Confédération de légiférer sur la communication privée en ligne, ce qui constitue une bonne partie de la communication sur ces plateformes[95], mais il n’est pas suffisant pour englober la communication de masse. Dans le cas où une révision serait envisagée, nous pensons que l’art. 93 Cst. imaginé par Cottier pourrait constituer un point de départ. Dans ce texte, il souhaite instaurer un « service public de productions médiatiques » et donner à la Confédération la compétence d’édicter une loi définissant le contenu des prestations, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre[96]. Son œuvre reste perfectible, mais elle a l’avantage d’opter pour une formulation ouverte et neutre, laissant la place à une loi plus complète sur la communication publique.

IV. Conclusion

37

Ce petit tour d’horizon du droit constitutionnel suisse de la communication nous a permis de tirer quelques conclusions juridiques concernant l’impact des réseaux sociaux sur le débat public.

38

Premièrement, l’initiative des réseaux sociaux de bloquer et supprimer les contenus étant considérés comme faux est certes louable, mais s’apparente à de la censure, étant donné qu’elle empêche l’expression d’opinions et d’informations protégées au sens de l’art. 16 Cst. Les désordres de l’information tels que définis par le Conseil de l’Europe peuvent certes faire l’objet de restrictions, mais celles-ci doivent respecter les conditions usuelles de l’art. 36 Cst., notamment la présence d’une base légale. Le problème avec les réseaux sociaux est qu’ils ne sont pas tenus aux respects des droits fondamentaux, vu qu’il s’agit d’entités privées non étatiques.

39

Secondement, nous avons constaté qu’il était nécessaire de poser un cadre aux plateformes en ligne, pour éviter qu’elles ne se transforment en Ministère de la Vérité et pour permettre une meilleure protection des libertés fondamentales, mêmes entre privés. Cette régulation est également pertinente pour les entreprises en charge de ces réseaux, car cela leur permettrait de mieux définir leurs responsabilités en la matière. Une potentielle réglementation en la matière se heurte toutefois à un obstacle de taille, qui est la base constitutionnelle la permettant. Les différentes compétences de l’État n’accordent actuellement à la Confédération le pouvoir de légiférer que sur la communication privée (art. 92 Cst.) et une partie de la communication en ligne (art. 93 Cst.), tant qu’elle ne touche pas à la presse. Si une telle loi apporterait une avancée en la matière, elle n’en resterait pas moins incomplète. Ainsi, pour une réponse cohérente et complète aux défis posés par le numérique et les réseaux sociaux, un changement constitutionnel serait le bienvenu.

Dieser Text ist eine leicht angepasste Zweitpublikation des gleichnamigen Aufsatzes, der in der Ausgabe 02/2021 der Fachzeitschrift AJP/PJA erschienen ist.


Note de bas de page:

ANDREA FRATTOLILLO, spécialiste des médias à l’Office fédéral de la Communication. Les opinions exprimées dans cette contribution n’engagent que son auteur. 

  1. Pour être complet, il faudrait également parler de médias sociaux, en plus des réseaux. Par commodité pour le lecteur, nous parlerons uniquement de réseaux sociaux, mais de manière globale.

  2. Rapport complémentaire du 10 mai 2017 du Conseil fédéral « Un cadre juridique pour les médias sociaux: Nouvel état des lieux » en réponse au postulat Amherd, objet 11.3912, 29.9.2011, p. 7.

  3. Cette possibilité théorique ne doit pas occulter le fait qu’il existe encore et toujours des inégalités en ligne. En effet, pour pouvoir profiter des toutes les possibilités qu’offre la communication en ligne, notamment sur les réseaux sociaux, il faudrait que tout le monde puisse avoir un accès équivalent et une la même capacité d’appropriation des usages communicatifs valables sur ces plateformes. Les sociologues appellent ce phénomène la « fracture numérique » (Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, 3e éd., Paris 2016. p. 86 ss ; Rémy Rieffel, Révolution numérique, révolution culturelle ?, Paris 2014, p. 72 s.).

  4. CourEDH, arrêt Cengiz et autres c. Turquie, 1.12.2015. Dans le cadre de cette affaire, la Cour a estimé qu’une mesure de blocage d’une plateforme comme YouTube avait un effet collatéral sur ses usagers, ce qui leur confère la qualité de victime de la mesure (§§ 47 ss), et que cela constituait une violation de l’art. 10 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (RS 0.101, CEDH).

  5. ATF 146 IV 23. Le Tribunal fédéral a considéré qu’un « like » ou un partage sur Facebook pouvait être considéré comme une diffamation (c. 2.2.3). Pour un commentaire de la décision, voir Monika Simmler, Bundesgericht, Strafrechtliche Abteilung, Urteil 6B_1114/2018 (zur Publikation vorgesehen), A. gegen Oberstaatsanwaltschaft des Kantons Zürich, B. und Verein C., mehrfache üble Nachrede, Willkür, rechtliches Gehör etc., in : PJA 2020 p. 658.

  6. Bezirksgericht ZH, arrêt n° GG150250, 26.1.2016. Dans ce jugement, le tribunal zurichois est parti du principe que Twitter était un média au sens de l’art. 28 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0, CP) en procédant à une interprétation de cet article (c. 4.3.1-4.3.7). Pour un tour d’horizon des critiques de cet arrêt, voir Davide Cerutti/Andrea Frattolillo, Twitter, Facebook & Co – Plus média ou social?, in : medialex 07/2020 (https://medialex.ch/2020/09/03/twitter-facebook-co-plus-media-ou-social/, consulté le 02.01.2021). Dans une décision récente, et sans le mentionner expressément, le Tribunal fédéral a suivi l’opinion selon laquelle toute la communication sur les réseaux sociaux ne devait pas être considérée comme étant de masse (TF, 6B_440/2019, 18.11.2020, c. 5.4.4).

  7. Par exemple, Andrew Keen critiquait, en 2007 déjà, l’appauvrissement de la culture qu’impliquait la démocratisation d’Internet et la création des contenus citoyens en ligne (Andrew Keen, the cult of the amateur – how today’s internet is killing our culture, New York 2007, p. 27 ss.).

  8. Jenna Wortham, Is Social Media Disconnecting Us From the Big Picture?, New York Times Magazine (https://www.nytimes.com/2016/11/22/magazine/is-social-media-disconnecting-us-from-the-big-picture.html, consulté le 02.01.2021).

  9. Exemple notable, le scandale du vol de données de Facebook par Cambridge Analytica avait mis à mal le géant bleu de l’informatique (Florian Delafoi, Comment Facebook s’est fait piéger par ses propres données, Le Temps, https://www.letemps.ch/economie/facebook-sest-pieger-propres-donnees, consulté le 02.01.2021).

  10. Facebook se prépare pour protéger les élections américaines, 24 heures (https://www.24heures.ch/facebook-se-prepare-pour-proteger-les-elections-americaines-883624796809, consulté le 02.01.2021).

  11. Amèle Debey, Facebook: un danger public, vraiment?, Bon pour la tête (https://bonpourlatete.com/actuel/facebook-un-danger-public-vraiment, consulté le 02.01.2021).

  12. Pour une analyse de la disposition exécutive américaine, voir l’étude de Urs Saxer, Trump v. Twitter, in : medialex 05/2020 (https://medialex.ch/2020/06/08/trump-v-twitter/, consulté le 02.01.2021).

  13. Catherine Frammery, Réseaux sociaux, le vertige de la modération, Le Temps (https://www.letemps.ch/societe/reseaux-sociaux-vertige-moderation, consulté le 02.01.2021).

  14. Julien Nguyen Dang, En luttant contre les «fake news», Instagram censure-t-il des mèmes et des œuvres d’art ?, franceinfo (https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/photographie/en-luttant-contre-les-fake-news-instagram-censure-t-il-des-memes-et-des-oeuvres-d-art_3788777.html, consulté le 02.01.2021).

  15. Valentin Etancelin, Instragram censure la parodie de cette photo à moitié nue, pas l’originale, Huffpost (https://www.huffingtonpost.fr/entry/instragram-censure-la-parodie-de-cette-photo-a-moitie-nue-pas-loriginale_fr_5f8ea8d3c5b67da85d215975, consulté le 02.01.2021).

  16. Ainsi, nous nous permettons de relayer l’histoire qui a motivé la rédaction de cette contribution. Début octobre 2020, l’une de nos connaissances, que nous remercions vivement pour son témoignage, s’est fait supprimer son compte Instagram pendant plusieurs mois pour avoir relayé une parodie de l’information erronée selon laquelle Donald Trump aurait dit « The doctors said they’ve never seen a body kill the coronavirus like my body. They tested my DNA and it wasn’t DNA. It was USA. » L’image en question remplaçait le terme « USA » par « thé froid de la Migros ». La publication a d’abord été signalée comme étant fausse, avant que le compte ne soit tout simplement bloqué.

  17. Raphaela Cueni, Schutz von Satire im Rahmen der Meinungsfreiheit, Thèse Bâle, Zurich – St. Gall 2019, p. 119. Ce fondement est également repris dans la phrase introductive des directives du code de déontologie journalistique (Conseil suisse de la Presse, Directives relatives à la « Déclaration des devoirs et droits du/de la Journaliste », 2015, Directive 1.1).

  18. Harry G. Frankfurt, On Truth, New York 2006, p. 32 ss. Selon ce philosophe, la société se doit de protéger et récompenser la recherche de la vérité ou des vérités factuelles, nécessaires à son fonctionnement.

  19. À titre d’exemple, en 2018, le journal Le Temps recensait une liste de quelques inexactitudes et autres maladresses que la rédaction avait commises depuis sa création (Philippe Simon, Gaffes, bévues et boulettes du «Temps», Le Temps https://www.letemps.ch/culture/gaffes-bevues-boulettes-temps, consulté le 02.01.2021).

  20. Eugenia Siapera, Les dilemmes du journalisme : les défis d’internet pour le professionnalisme et la pérennité des médias in : Conseil de l’Europe (Édit.), Le journalisme à l’épreuve – Menaces, enjeux et perspectives, Strasbourg 2016, p. 241 ss, p. 271 s..

  21. François-Bernard Huyghe, Fake News – La grande peur, Paris 2018, p. 75.

  22. Pour un panorama non exhaustif de la question, voir Antonia Hartmann, Grundlagen des Rechts / Fake News, Wahrheit und Regulierung in : Alexandra Dal Molin-Kränzlin/Anne Mirjam Schneuwly/Jasna Stojanovic (Édit.), Digitalisierung – Gesellschaft – Recht, APARIUZ – Analysen und Perspektiven von Assistierenden des Rechtswissenschaftlichen Instituts der Universität Zürich, St-Gall 2019, p. 81 ss, p. 83 ; Colin Porlezza, Journalismus zwischen Fake News, Filterblasen und Fact-Checking in : Adrienne Fichter (Édit.), Smartphone-Demokratie, Zurich 2017, p. 30 ss, p. 34 ss ; Michel Jose Reymond, La responsabilité des hébergeurs pour fake news in : Christine Chappuis/Benedict Winiger (Édit.), Responsabilité civile et nouvelles technologies, Zurich 2019, p. 105 ss, p. 109 s.

  23. Conseil de l’Europe, Les désordres de l’information : Vers un cadre interdisciplinaire pour la recherche et l’élaboration des politiques – Rapport du Conseil de l’Europe DGI(2017)09 du 27 septembre 2017, Strasbourg 2018.

  24. Sandrine Baume, Why informed opinions matter for democracy and why misinformation should not be underestimated in referendum processes in : Sandrine Baume/Véronique Boillet/Vincent Martenet (Édit.), Misinformation in referenda, Oxford – New York 2021, p. 38 ss, p. 44 ss.

  25. Désordres de l’information (n. 23), p. 23.

  26. Désordres de l’information (n. 23), p. 22 ; Baume (n. 24), p. 44 et référence citée.

  27. Désordres de l’information (n. 23), p. 23.

  28. Désordres de l’information (n. 23), p. 22 ; Baume (n. 24), p. 44. Il est intéressant de constater que la définition des fausses nouvelles donnée par le Conseil fédéral se rapproche de cette notion de désinformation (Rapport complémentaire médias sociaux (2017) (n. 2), p. 11 s.).

  29. Désordres de l’information (n. 23), p. 23. Ne semble pas aller dans le même sens Hartmann, qui classe estime que les falsifications et les théories du complot ne se recoupent pas avec le terme anglophone générique de « Fake news » ( Hartmann (n. 22), p. 84).

  30. Désordres de l’information (n. 23), p. 22 ; Baume (n. 24), p. 44.

  31. Désordres de l’information (n. 23), p. 23.

  32. ATF 138 I 274, c. 2.2.2 ; Jacques Dubey, Droits fondamentaux – Volume II : Libertés, garanties de l’Etat de droit, droits sociaux et politiques, Bâle 2018, p. 286 ; BSK BV – Hertig, Art. 16 BV N 51 in : Bernhard Waldmann/Eva Maria Besler/Astrid Epiney (Édit.), Bundesverfassung, Basler Kommentar, Bâle 2015 (cit. BSK BV – Auteur) ; Andreas Kley/Esther Tophinke, Art. 16 BV N 19 in : Bernhard Ehrenzeller/Benjamin Schindler/Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender (Éd.), Die schweizerische Bundesverfassung – St. Galler Kommentar – Band I und II, 3ème éd., Zurich 2014 (cit. St. Gall. Komm. – Auteur). Lors de la révision totale de la constitution fédérale, le Conseil fédéral avait toutefois une vision légèrement plus restreinte en estimant qu’elle constituait le noyau intangible de la liberté des médias uniquement (Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1 ss (cité Message Cst.), 163.

  33. ATF 137 I 209, c. 4.2. À la différence de la CEDH, qui réunit tous les aspects ou presque de la liberté d’expression dans un article unique (art. 10 CEDH), le constituant suisse a décidé de protéger toutes les facettes de la communication dans plusieurs dispositions (art. 16 ss Cst.).

  34. Pour une analyse plus approfondie de la question voir Cerutti/Frattolillo (n. 6), qui partagent l’avis exprimé par Urs Saxer, Medien- und Kommunikationsverfassung in : Oliver Diggelmann/Maya Hertig Randall/Benjamin Schindler (Édit.), Verfassungsrecht der Schweiz/Droit constitutionnel suisse – Volume III: Organes constitutionnels, Procédure, Constitutions thématiques, Zurich 2020, p. 2371 ss, p. 2380. Cette solution nous paraît également en accord avec la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (TF, 6B_440/2019, 18.11.2020, c. 5.4.4).

  35. Cueni (n. 17), p. 84 ; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel – Volume II – Les droits fondamentaux, 3e éd., Berne 2013, p. 265 ; voir aussi ATF 144 I 126, c. 4.1.

  36. ATF 119 Ia 71, c. 3d.aa. ; Cueni (n. 17), p. 84 ; Roberto Peduzzi, Meinungs- und Medienfreiheit in der Schweiz, Thèse, Zurich – Bâle – Genève 2004, p. 181.

  37. Markus Schefer, Kommunikationsgrundrechte in : Oliver Diggelmann/Maya Hertig Randall/Benjamin Schindler (Édit.), Verfassungsrecht der Schweiz/Droit constitutionnel suisse – Volume II: État de droit Droits fondamentaux et droits humains, Zurich 2020, p. 1413 ss, 1433.

  38. Dubey (n. 32), p. 268.

  39. ATF 138 I 287, c. 2.2.1 ; Cueni (n. 17), p. 85 ; Schefer (n. 37), p. 1433.

  40. Message Cst. (n. 32), 160.

  41. CourEDH, arrêt Handyside c. Royaume-Uni, du 7.12.1976, § 49; arrêt Palomo Sánchez et autres c. Espagne [GC], du 12.09.2011, § 53. Cette formule découle également de l’ATF 138 £I 274, c. 2.2.1.

  42. Nous nous sommes permis de traduire le passage tiré de l’ATF 104 Ia 88, c. 4b : « Tatsächlich wäre der rechtliche Schutz einer ins Leere geäusserten Meinung sinnlos. »

  43. BSK BV – Hertig (n. 32) , Art. 16 N 18.

  44. Jean Nicolas Druey, Information als Gegenstand des Rechts, Zurich 1995, p. 5 s.

  45. Druey (n. 44), p. 20.

  46. Druey (n. 44), p. 21 s.

  47. La connaissance ou le savoir sont, à cet égard, des notions subjectives, en ce sens qu’elles présupposent la présence du contenu dans sa propre conscience (Druey (n. 44), p. 22).

  48. Dubey nous semble également concevoir l’information dans ce sens, bien qu’il la définisse comme la transmission d’un fait, par opposition à la communication d’une pensée pour l’opinion (Dubey (n. 32), p. 268).

  49. Certains juges de la CourEDH estiment toutefois que, dans le cadre de la liberté d’expression, «  le fait prime l’opinion » (CourEDH, arrêt Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC], du 27.06.2017, Opinion dissidente des juges Sajó et Karakaş, § 8).

  50. Schefer (n. 37), p. 1445 ; Hartmann (n. Fehler! Textmarke nicht definiert.), p. 85 s. ; Druey (n. 44), p. 49 s.

  51. Schefer (n. 37), p. 1445 ; Hartmann (n. 22), p. 86 ; Druey (n. 44), p. 49 s. Ce dernier auteur souligne également que la vérité n’est pas une valeur absolue dans notre ordre juridique, car celui protège également à plusieurs endroits la tenue de secret, notamment le secret de rédaction.

  52. Hartmann (n. 22), p. 86 s. ; Druey (n. 44), p. 49.

  53. ATF 114 Ib 204, c. 3e.

  54. Cf. II.A.1 et II.A.2.

  55. Masmejan suit partiellement cette approche en estimant que les informations fausses sont et doivent être protégées par la liberté d’expression, mais en ne protégeant pas la désinformation (Denis Masmejan, Débat public en ligne et protection des libertés de communication in : medialex 09/2020, N 100, https://medialex.ch/2020/11/05/debat-public-en-ligne-et-protection-des-libertes-de-communication/, consulté le 02.01.2021).

  56. Peduzzi (n. 36), p. 246.

  57. Peduzzi (n. 36), p. 246.

  58. St. Gall. Komm. – Brunner/Burkert (n. 32), Art. 17 N 59.

  59. Peduzzi (n. 36), p. 246 ss ; Schefer (n. 37), p. 1448 s. ; BSK BV – Zeller/Kiener (n. 32) , Art. 17 N 39.

  60. Peduzzi (n. 36), p. 248 s. ; Schefer (n. 37), p. 1449.

  61. Facebook et Instagram pratiquent notamment une telle censure (Josh Constine, Facebook will change algorithm to demote “borderline content” that almost violates policies, Techcruch, https://techcrunch.com/2018/11/15/facebook-borderline-content/, consulté le 02.01.2021).

  62. Les tentatives parlementaires sur la question ne manquent cependant pas, voir p. ex. l’interpellation Marchand-Balet 18.3448, 4.6.2018.

  63. Recommandation CM/Rec (2018)2 du Comité des Ministres aux États membres relative aux rôles et aux responsabilités des intermédiaires d’internet, Annexe 2.3.1 et 2.3.2.

  64. On peut notamment citer l’exemple de Facebook et de son association au « Trust Projet for News » (https://www.facebook.com/formedia/blog/launching-new-trust-indicators-from-the-trust-project-for-news-on-facebook, consulté le 02.01.2021).

  65. Dubey (n. 32), p. 259 ; Peduzzi (n. 36), p. 245.

  66. Pour ne prendre quelques exemples, Dubey (n. 32), p. 285 ; BSK BV – Zeller/Kiener (n. 32) , Art. 17 N 35.

  67. BSK BV – Waldmann (n. 32) , Art. 35 N 1.

  68. Selon la doctrine, le contrat liant un réseau social à un utilisateur est vraisemblablement le contrat de licence (Antreasyan Sevan, Réseaux sociaux et mondes virtuels – Contrat d’utilisation et aspects de propriété́ intellectuelle, Thèse, Genève 2016, p. 81 s.).

  69. Dans sa Recommandation CM/Rec (2018)2 (n. 63), le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe relève que « [l]es intermédiaires d’internet devraient, dans toutes leurs actions, respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales qui sont reconnus internationalement à leurs utilisateurs et aux autres parties concernées par leurs activités. » (Annexe 2.1.1).

  70. Schefer (n. 37), p. 1449.

  71. BSK BV – Waldmann (n. 32) , Art. 35 N 61.

  72. Cela ressort également de la Recommandation CM/Rec (2018)2 (n. 63).

  73. Masmejan explique d’ailleurs que les réseaux sociaux sont devenus systémiques pour le débat en ligne (Masmejan (n. 55), N 11).

  74. À cet égard, la CourEDH a, à plusieurs reprises, qualifié Internet « d’outil sans précédent de la liberté d’expression » (CourEDH, arrêt Delfi c. Estonie [GC], du 16.06.2015, § 110) et que bloquer l’accès à ces sites constitue une grave violation à la liberté d’expression, car ils permettent notamment d’avoir accès à des informations politiques ignorées par les médias traditionnels (CourEDH, arrêt Cengiz et autres c. Turquie, du 1.12.2015, § 52).

  75. Message Cst. (n. 32), 274.

  76. BSK BV – Kern (n. 32) , Art. 92 N 6 ; St. Gall. Komm. – Hettich/Steiner (n. 32), Art. 92 N 5.

  77. BSK BV – Kern (n. 32) , Art. 92 N 6.

  78. Il n’est pas inconcevable d’avoir un profil « privé » avec un nombre très élevé de profils amis, rendant la question du critère de la publicité insuffisant pour qualifier un média, voir également Cerutti/Frattolillo (n. 6), N 50.

  79. St. Gall. Komm. – Hettich/Steiner (n. 32), Art. 92 N 5 ; Giovanni Biaggini, BV Kommentar – Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e éd., Zurich 2017, Art. 93 N 5.

  80. Cf. III.B.2.

  81. Martin Dumermuth, Die Zuständigkeit des Bundes im Bereich der elektronischen Medien nach Art. 93 BV, in: ZBl 117/2016, p. 335 ss, 344 ss ; BSK BV – Zeller/Dumermuth (n. 32) , Art. 93 N 13 ; Biaggini (n. 79), Art. 93 N 5.

  82. Saxer (n. 34), p. 2382 s. ; Mirjam Teitler, Keine Verfassungsgrundlage für eine Bundeskompetenz im Online Bereich, in: Medialex 2018, p. 14 ss ; p. 18; COMCO, Stellungnahme zum Entwurf eines neuen Gesetzes über elektronische Medien, in: RPW/DPC 2018/4, p. 1033 ss, p.1034 s.

  83. Dumermuth (n. 81), p. 347 ss.

  84. Masmejan (n. 55), N 11.

  85. Masmejan (n. 55), N 12.

  86. Masmejan (n. 55), N 12.

  87. Masmejan (n. 55), N 12.

  88. Masmejan (n. 55), N 98 ss.

  89. Davide Cerutti/Andrea Frattolillo, La stampa oggi: una lettura numerica degli articoli 17 e 93 della Costituzione federale, in : Rivista ticinese di diritto (RtiD) I-2020, p. 315 ss, p. 334.

  90. Cerutti/Frattolillo (n. 89), RtiD I-2020, p. 323 s.

  91. Cerutti/Frattolillo (n. 89), RtiD I-2020, p. 333 ss.

  92. Cerutti/Frattolillo (n. 89), RtiD I-2020, p. 327 et références citées.

  93. Certaines plateformes donnent la possibilité à des médias d’obtenir un « badge de vérification », qui atteste notamment de leur qualité de média.

  94. Ce point est d’ailleurs mis en avant dans la Recommandation CM/Rec (2018)2 (n. 63), ch. 12.

  95. Dans ce cadre, par communication privée, il faut comprendre toute communication ne ressortant pas de la communication d’un média institutionnalisé. Pour une définition de la notion juridique de média, voir Cerutti/Frattolillo (n. 6), N 8.

  96. Bertil Cottier, Art. 93 – Service public de productions médiatiques in S. Weerts/C. Rossat-Favre/C. Guy-Ecabert/A. Benoit/A. Flückiger (édit.), Révision imaginaire de la Constitution fédérale, Bâle 2018, p. 175 ss.

Creative Commons Lizenzvertrag
Dieses Werk ist lizenziert unter einer Creative Commons Namensnennung – Weitergabe unter gleichen Bedingungen 4.0 International Lizenz.
image_print

Kommentar schreiben

18 + seven =

Über uns

Medialex ist die schweizerische Fachzeitschrift für Medien- und Kommunikationsrecht. Sie erscheint als Newsletter im Monatsrhythmus (10x jährlich), open access, und enthält Untersuchungen und Brennpunkte zu medienrechtlichen Themen, aktuelle Urteile mit Anmerkungen, Hinweise auf neue medien- und kommunikationsrechtliche Urteile, UBI-Entscheide und Presseratsstellungnahmen sowie auf neue wissenschaftliche Publikationen und Entwicklungen in der Rechtsetzung.

Vernetzen