Discrimination et incitation à la haine dans la ligne de mire 

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Morceaux choisis de la jurisprudence pénale de l’année 2022 en lien avec les médias

Miriam Mazou, avocate, spécialiste FSA droit pénal, Lausanne
Marie Besse, avocate-stagiaire

Zusammenfassung: Das Bundesgericht entschied, dass der Inhaber eines Kontos in einem sozialen Netzwerk und der Provider nicht verpflichtet sind, die dort von Dritten veröffentlichten Inhalte zu moderieren. Zum Thema der Rassendiskriminierung bestätigte Lausanne die Verurteilung des Komikers Dieudonné für den in einer Aufführung geäusserten Satz «Die Gaskammern haben nie existiert». Zum gleichen Straftatbestand hielt das Bundesgericht fest, dass die Begriffe «ausländische Zigeuner» und «Fahrende» auf eine Ethnie hinweisen und daher eine Verurteilung ermöglichen. Freigesprochen wurde im Kanton Waadt hingegen ein ehemaliger französischer Spitzenbeamte für eine nicht für die Öffentlichkeit bestimmte rassistische Äusserung.
Das Bundesgericht bestätigte den Freispruch eines Journalisten, der ein ehemaliges Mitglied einer kantonalen Verwaltung ohne dessen Wissen aufgenommen hatte, weil es das Gespräch als «nicht öffentlich» einstufte. Dagegen verurteilte das Waadtländer Kantonsgericht einen ehemaligen Journalisten wegen Drohungen, da dieser öffentlich vor dem Konsum von an Tausende Waadtländer Haushalte geliefertes Wasser gewarnt hatte. Schliesslich bestätigte das Bundesgericht seine Rechtsprechung, wonach die Verhängung eines teilweisen Ausschlusses der Öffentlichkeit wegen der Covid-19-Pandemie nicht gegen den Grundsatz der Öffentlichkeit der Justiz verstösst.

Résumé: Le Tribunal fédéral a estimé que le titulaire d’un compte sur un réseau social, de même que le prestataire de service, n’avait pas d’obligation de modérer le contenu y figurant, publié par des tiers. En matière de discrimination raciale et d’incitation à la haine, notre Haute Cour a confirmé la condamnation de Dieudonné pour avoir prononcé, lors d’une représentation à Genève, la phrase « les chambres à gaz n’ont jamais existé ». S’agissant toujours de l’infraction de discrimination, le Tribunal fédéral a retenu que tant le terme « Tziganes étrangers» que le terme « gens du voyage » renvoyaient à une ethnie et permettaient une condamnation. Le Tribunal cantonal vaudois a quant à lui acquitté l’ancien haut fonctionnaire français Henry de Lesquen du chef de prévention de discrimination raciale, pour des propos tenus certes devant un journaliste mais « en aparté ». Le Tribunal fédéral a confirmé l’acquittement d’un journaliste ayant enregistré un ancien membre d’une administration cantonale à son insu, au motif que la conversation ne pouvait être considérée comme « non publique ». Dans le canton de Vaud, le Tribunal cantonal a condamné un ancien journaliste pour menaces alarmant la population, ce dernier ayant notamment soutenu que l’eau fournie à des milliers de ménages vaudois était totalement impropre à la consommation. Enfin, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le prononcé d’un huis clos partiel en raison de la pandémie de Covid-19 ne violait pas le principe de publicité de la justice.

I. Introduction

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La présente chronique a pour vocation de présenter – sans prétendre à l’exhaustivité – une sélection d’arrêts rendus au cours de l’année écoulée en matière de droit pénal des médias et de procédure pénale en lien avec les médias. Les arrêts mentionnés dans la présente chronique, rendus en 2022, émanent principalement du Tribunal fédéral.

II. Les différentes décisions

1. Acquittement d’un ancien conseiller national du chef de discrimination pour les commentaires haineux engendrés par sa publication Facebook

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ATF 148 IV 18: Le Tribunal fédéral a confirmé un jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et Canton de Neuchâtel du 7 septembre 2021, prononçant l’acquittement d’un ancien conseiller national du chef de discrimination raciale au sens de l’article 261bis al. 1 et 4 CP. En substance, ce politicien avait partagé un article du journal sur sa page Facebook publique, intitulé « Près de Lyon, une inquiétante école musulmane sous contrat et …. sous influence ». Il avait commenté sa publication en ces termes « L’infection s’étend ». Cette publication avait engendré plusieurs commentaires appelant à la haine et à des actes de violence envers les personnes de confession musulmane, commentaires pour lesquels l’ancien conseiller national était mis en cause.

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Le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existait aucune disposition légale en droit suisse régissant spécifiquement la responsabilité pénale des fournisseurs de services internet (Facebook, Twitter, etc.), ni a fortiori de leurs utilisateurs (consid. 3.3.2). Notre Haute cour a également constaté que la présente cause se distinguait de l’arrêt 6B_645/2007, qui fondait la responsabilité pénale de l’auteur qui avait effectivement connaissance de la présence du contenu illégal sur son site internet. Cette jurisprudence ne définit toutefois pas les contours d’une obligation de surveillance ou de modération permanente du titulaire d’un compte du contenu posté sur celui-ci (consid. 3.5.3). En l’occurrence, notre Haute cour a retenu qu’il n’existait pas d’obligation du titulaire d’un compte sur un réseau social, ni au demeurant des prestataires de services, de modérer le contenu y figurant, qui était publié par des tiers (consid. 3.5.4).

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A l’appui de son raisonnement, notre Haute Cour relève notamment qu’il serait problématique sous l’angle du principe de la légalité – de par la grande subjectivité et l’imprévisibilité de la démarche -, de faire dépendre l’existence d’une obligation de surveillance et de modération du contenu publié sur son compte de circonstances comme la sensibilité des sujets abordés, le cercle des potentiels destinataires des publications ou encore le nombre ou le caractère frappant des commentaires postés en réaction à la publication originelle (consid. 3.5.4). En outre, une telle obligation serait trop lourde pour l’utilisateur, dès lors qu’un seul commentaire d’une tierce personne pourrait entrainer sa responsabilité pénale, cela sans qu’aucune disposition légale ne le prévoie expressément (consid. 3.5.4).

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Analysant le comportement de l’ancien conseiller national sous l’angle d’une omission au sens de l’art. 11 al. 1 et 2 let. d CP, notre Haute Cour a considéré que ce dernier ne répondait pas d’un comportement passif contraire à une obligation d’agir (consid. 3.5.6). Au demeurant, si l’on devait considérer que la mise en libre accès du « mur » de son compte Facebook constituait une prestation positive, le comportement du politicien pourrait éventuellement être appréhendé comme une action. Toutefois, là encore, il n’est pas établi en l’espèce que le recourant ait toléré en connaissance de cause les publications litigieuses, de sorte que notre Haute Cour a considéré que l’acquittement devait être confirmé pour ce motif également (consid. 3.6 et 3.7).

2. Absence de discrimination s’agissant de propos tenus en présence d’un journaliste mais « en aparté »

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Cour d’appel du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CAPE) 1er avril 2022/142: La Cour d’appel du Tribunal cantonal vaudois a libéré l’ancien haut fonctionnaire français Henry de Lesquen du chef de prévention de discrimination raciale et d’incitation à la haine au sens de l’art. 261bis CP. Il était reproché à ce dernier d’avoir, dans le cadre d’une conférence publique, déclaré « il y a pire que le coronavirus, il y a le judéovirus », ce alors qu’à tout le moins dix personnes, dont un journaliste, se trouvaient dans la salle. Ces propos avaient par la suite donné lieu à un article dans la presse.

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Pour justifier de l’acquittement d’Henry de Lesquen, la Cour cantonale a considéré que l’élément constitutif objectif de la publicité des propos n’était pas réalisé (consid. 6.3 et 6.4). En effet, avant de tenir les propos litigieux, Henry De Lesquen aurait indiqué « je le dis avant que la caméra ne tourne », ce qui laisserait à penser qu’il n’avait pas l’intention de les tenir publiquement. Au demeurant, le journaliste présent, qui cherchait manifestement un scoop, avait probablement écouté, en se penchant vers eux, ce que disait le prévenu à ses proches, alors que les propos litigieux étaient tenus « en aparté » (consid. 6.4).

3. Condamnation de Dieudonné pour discrimination raciale

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Arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 28 avril 2022 (AARP/123/2022): Dans cet arrêt, la Cour cantonale genevoise a confirmé la condamnation de l’humoriste Dieudonné, notamment pour discrimination raciale, pour avoir prononcé, lors de l’un de ses sketchs et alors qu’il interprétait un personnage de fiction, la phrase suivante : « les chambres à gaz n’ont jamais existé ». En particulier, la Cour cantonale a considéré que le mobile discriminatoire de Dieudonné était établi, son sketch comprenant plusieurs allusions plus ou moins évocatrices de sa volonté de se moquer des victimes de la Shoah. Le but de l’humoriste était non pas satirique ou parodique, mais bien la stigmatisation des victimes d’Holocauste et la minimisation de leurs souffrances (consid. 2.4.3). En outre, la Cour cantonale a rappelé que la liberté d’expression ne « saurait (…) accorder automatiquement un blanc-seing à tout artiste tenant des propos négationnistes, sous prétexte qu’il agirait dans le cadre de l’expression de son art ou par le biais d’un personnage de fiction » (consid. 2.4.4). Or en l’espèce, les propos litigieux n’avaient pas été prononcés à des fins humoristiques, parodiques ou satiriques, de sorte que la liberté d’expression ne trouvait pas application et que Dieudonné ne pouvait se disculper ainsi (consid. 2.4.4).

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La Cour cantonale a également reconnu Dieudonné coupable d’injure envers la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), pour avoir tenu les propos suivants : « les associations juives …, ah bon, ils ne m’aiment pas ces gens-là, encore aujourd’hui ? Ah j’ai un procès demain ? La CICAD me fait un procès ? Il faut leur dire d’aller se faire enculer à la CICAD » (consid. 2.5.3.1). Enfin, Dieudonné a également été reconnu coupable de diffamation envers une le secrétaire général de la CICAD personne, pour l’avoir notamment comparé à un « négrier juif » et traité de raciste (consid. 2.5.5).

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L’arrêt de la Chambre d’appel pénale et de révision de la Cour de Justice de la République et canton de Genève a été confirmé par arrêt du 16 mars 2023 (TF 6B_777/2022 du 16 mars 2023), qui fera sera traité dans le cadre de la contribution relative à l’année 2023.

4. « Tziganes étrangers » désigne des groupes ethniques et permet ainsi la condamnation pour discrimination

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ATF 148 IV 113: Le Tribunal fédéral a été amené à se pencher sur le cas de deux membres des Jeunes UDC du canton de Berne. Ils étaient mis en cause pour avoir posté une publication sur Facebook et sur leur site internet, dont le titre était le suivant : « Votez pour les candidats JVSP [Junge SVP des Kantons Bern, note de la soussignée] – empêcher les aires de transit pour les Tziganes ! » (traduction libre). Cette publication était accompagnée d’une illustration de type bande dessinée, représentant une aire de transit, sur laquelle s’entassent des déchets visiblement malodorants et où une personne de couleur de peau légèrement foncée faisait ses besoins en plein air. En arrière-plan, l’on pouvait apercevoir un village avec un clocher. Au premier plan se trouvait un homme à l’air contrarié, vêtu d’un costume traditionnel et portant une casquette avec la croix suisse, se pinçant le nez avec dégoût. L’illustration était accompagnée des textes suivants : « Des millions de coûts pour la construction et l’entretien, de la saleté, des matières fécales, du bruit, du vol, etc. Contre la volonté de la population de la commune» (traduction libre), « Nous disons NON aux aires de transit pour tziganes étrangers ! Votez pour les candidats JSVP au Grand Conseil ! » (traduction libre).

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Pour cette publication, A et B ont été reconnus coupables de discrimination raciale. Saisi du recours d’A et B, le Tribunal fédéral a été amené à déterminer si le terme « Tzigane » désignait ou non une ethnie au sens de l’art. 261bis CP.

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Le Tribunal fédéral rappelle que le terme Tzigane n’est pas défini de manière uniforme, et désigne en réalité les membres des peuples Sinti, Roms et Yéniche. Les Roms et les Sinti sont communément considérés comme des ethnies, ce que les recourants ne contestent au demeurant pas. En outre, les Yéniche sont une minorité culturelle reconnue en Suisse. La CourEDH avait d’ailleurs considéré que les Tziganes étaient une minorité bénéficiant de la protection de l’art. 8 CEDH, sans toutefois la qualifier spécifiquement de minorité ethnique (consid. 4.4). Le Tribunal fédéral rappelle qu’il n’y a pas lieu de considérer que le destinataire moyen de la publication litigieuse a connaissance de la complexité de ce que désigne et regroupe le terme Tzigane. Le contexte dans lequel a été utilisé le terme litigieux est déterminant pour déterminer le sens que lui a donné le destinataire moyen. En l’espèce, il est exclu que le destinataire moyen ait compris les termes « Tziganes étrangers » comme se référant de manière générale à des personnes non sédentaires. Cette expression était au contraire comprise par le destinataire moyen comme une catégorie générique pour désigner les Roms et les Sinti, et donc des groupes ethniques. En conséquence, la publication visait bel et bien des ethnies, regroupées sous les termes génériques « Tziganes étrangers », et cette expression doit être qualifiée de désignation d’une ethnie au sens de l’art. 261bis CP (consid. 4.5).

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Pour le surplus, le Tribunal fédéral a constaté que les autres éléments constitutifs – tant objectifs que subjectifs – de l’infraction étaient également remplis. En particulier, dans le contexte général, le message véhiculé par la publication était compris par le destinataire moyen comme une affirmation générale selon laquelle les Tziganes étrangers étaient insalubres, répugnants et criminels, de sorte que l’élément constitutif objectif du dénigrement était également rempli (consid. 5.2.4). S’agissant de la liberté d’expression invoquée par les recourants, elle ne saurait remettre en cause leur condamnation, dès lors qu’ils ont dépassé le cadre de ce qui est admissible dans les débats politiques au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme, en procédant au dénigrement, d’une manière générale, du groupe concerné. Les peines pécuniaires avec sursis prononcées respectent en outre le principe de proportionnalité (consid. 5.3.2).

5. Les termes « gens du voyage » renvoie à une ethnie et permet la condamnation pour discrimination

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TF 6B_749/2020 du 18 mai 2022: Lors d’un entretien téléphonique avec une rédactrice d’un journal, A., président du groupe parlementaire d’un parti au parlement municipal de sa commune, a notamment déclaré qu’il n’était pas ami des gens du voyage, que les Roms vivaient aux frais des autres, ne participaient pas aux impôts et faisaient ce qu’ils voulaient. Les Suisses passeraient encore, mais il s’agissait ici de Français. Il s’agissait pour lui de malfrats et de petits criminels. Ces déclarations ont été publiées dans la presse.

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Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation de l’élu pour discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 CP. A l’appui de son raisonnement, le Tribunal fédéral a notamment considéré que les termes « gens du voyage » renvoyait bien à une ethnie, au même titre que le terme « Tzigane », qui avait d’ores et déjà fait l’objet d’un arrêt de notre Haute cour (consid. 3.5.2). Il s’agit en effet de l’ATF 148 IV 113 également traité dans la présente contribution.

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L’élu se défendait en soutenant qu’il visait uniquement les gens du voyage français qui campaient à V., et non les gens du voyage en général. Or selon le Tribunal fédéral, il n’y a pas lieu de supposer que le destinataire moyen, non averti, des propos serait en mesure de procéder à une délimitation concrète des différents groupes compris dans l’expression « gens du voyage ». Il ne s’agit donc pas de savoir si les gens du voyage de France qui campaient à V. constituaient en soi une ethnie ou non, mais si le politicien a rabaissé ou discriminé ces personnes en raison de leur race, de leur ethnie ou de leur religion (consid. 3.5).

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Or dans le contexte précis, les termes « gens du voyage » sont compris par le lecteur moyen non averti comme un synonyme de « Tzigane », et se réfèrent donc à une ethnie (consid. 3.5).

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Quant aux propos incriminés, il convenait selon notre Haute cour de les apprécier dans leur contexte global et non par la signification de chaque mot individuellement. En l’espèce, les dires de l’élu donnent au lecteur moyen non averti l’impression que les gens du voyage ne sont pas fiables et qu’ils sont criminels, et ceux-ci sont présentés de manière inférieure au reste de la société. En conséquence, l’élément constitutif objectif du dénigrement de l’art. 261bis al. 4 CP est également rempli (consid. 3.6).

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Enfin, le Tribunal fédéral rappelle que l’élu ne saurait se prévaloir de la liberté d’expression, dès lors que ses propos rabaissants envers les gens du voyage en général dépassent ce qui est admissible dans le débat politique (consid. 3.7).

6. Acquittement d’un journaliste ayant enregistré un ancien membre d’une administration cantonale à son insu

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TF 6B_1341/2020 du 3 mai 2022: Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé l’acquittement d’un journaliste ayant enregistré, à l’insu d’un ancien membre de l’administration cantonale jurassienne, sa conversation avec ce dernier. Sur demande du journaliste, le fonctionnaire avait ensuite accepté de retranscrire ses propos dans une lettre manuscrite signée.

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En substance, le Tribunal fédéral a considéré que la Cour cantonale avait, à raison, retenu que dans le cas d’espèce, l’intention du recourant, en contactant un journaliste, avait été de critiquer et de narguer publiquement son ancien supérieur hiérarchique (consid. 4.2, 4.3 et 4.4). En conséquence, la Cour cantonale avait à juste titre estimé que la conversation en question ne pouvait être considérée comme « non publique » au sens de l’art. 179ter CP, de sorte que l’un élément constitutif objectif de l’infraction faisait défaut.

7. Ancien journaliste condamné pour menaces alarmant la population

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Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CAPE) du 21 avril 2022/167: Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Tribunal cantonal vaudois a confirmé la condamnation d’un ancien journaliste pour menaces alarmant la population (art. 258 CP) et calomnie (art. 174 CP). La Cour cantonale a toutefois considéré, contrairement à l’Instance précédente, que les conditions du sursis à l’exécution de la peine étaient remplies en l’espèce.

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En substance, il était reproché à cet ancien journaliste d’avoir adressé plusieurs courriers, anonymes, à des conseillers d’Etats et à la presse, mettant en cause l’activité d’un groupe actif dans le domaine de la construction, de l’Etat de Vaud et d’une conseillère d’Etat. Cet ancien journaliste était en outre intervenu dans la presse « à visage découvert », mettant à nouveau en cause le groupe, l’Etat de Vaud et la Conseillère d’Etat. On précisera que certains des faits reprochés étaient prescrits.

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En substance, la Cour cantonale a considéré que l’ancien journaliste s’était bel et bien rendu coupable de menaces alarmant la population (art. 258 CP), dans la mesure où il avait notamment soutenu dans ses écrits que l’eau fournie à des milliers de ménages vaudois était totalement impropre à la consommation (consid. 4.2.2). Par ailleurs, l’alarme était bel et bien fallacieuse dès lors que l’absence de toute pollution était attestée par des prélèvements effectués (consid. 4.2.3). Largement diffusée, notamment par le quotidien « 24 heures », l’annonce de cet ancien journaliste avait effectivement alarmé la population (consid. 4.2.4). La Cour cantonale relève en outre que l’intéressé n’avait notamment procédé à aucune vérification de ses sources, quand bien même il connaissait bien ce genre d’exercice du fait de sa précédente profession (consid. 4.2.5). Enfin, le Tribunal cantonal vaudois a considéré que l’ancien journaliste s’était rendu coupable de calomnie à l’égard de la conseillère d’Etat, en l’accusant de favoriser une entreprise au détriment de l’intérêt public à plusieurs reprises (consid. 4.3.4).

8. Critique sur internet des services d’un avocat non diffamatoire à l’égard de son associé

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TF 6B_150/2021 du 11 janvier 2022: A a été représentée dans le cadre d’un procès par l’Etude E, et en particulier par Mes F et G. A n’avait jamais eu contact avec Me B, également associé au sein de l’Etude E.

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Insatisfaite des services de ses avocats, A avait rédigé une critique sur internet concernant l’Etude E, se lisant comme suit : « Moins cinq étoiles. Comportement très incompétent du chef en personne. A manqué le délai de recours et rejette la faute sur les clients. Quand il s’est rendu compte de l’erreur, il envoie d’abord la facture. Au final, on se retrouve avec des milliers de frais… Je vais mettre tout le monde en garde !!! ».

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Me B a déposé plainte pour ces faits et A a finalement été condamnée en deuxième instance pour diffamation à l’égard de ce dernier, ainsi que pour contrainte. Notre Haute cour a admis le recours de A et renvoyé le cas à l’instance précédente.

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Selon le Tribunal fédéral, la conclusion de la Cour cantonale selon laquelle A aurait accepté de toucher personnellement à l’honneur de Me B en tant qu’associé éponyme, en visant le «chef» ou l’Etude dans son ensemble par son évaluation, est insoutenable. En effet, le mandat a été pris en charge par Mes F et G, et A est partie du principe que l’avocat G, dont le nom apparaît également dans la raison sociale de l’Etude, en était le «chef». En outre, la critique émise par A se réfère clairement à la manière dont son cas a été traité (consid. 1.5).

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Le seul fait qu’un autre nom de famille figure dans le nom de l’entreprise (soit en l’occurrence celui de Me B), ne pouvait pas permettre à A de déduire que Me B, avec lequel elle n’a jamais eu le moindre contact et dont la fonction lui était totalement inconnue, pouvait être personnellement touché dans son honneur par ses reproches adressés au «chef». En conséquence, la condamnation de A pour diffamation n’est pas conforme au droit fédéral (consid. 1.5).

9. Un huis clos partiel en raison de la pandémie ne viole pas le principe de publicité

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TF 6B_550/2021 du 19 janvier 2022: Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a notamment rappelé sa jurisprudence – publiée aux ATF sous ATF 147 IV 297 – selon laquelle le prononcé d’un huis clos partiel en raison de la pandémie de Covid-19 ne violait pas le principe de publicité de la justice, dans la mesure où les journalistes étaient admis à l’audience et dès lors en mesure de couvrir les débats (consid. 1).

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