Plusieurs jugements qui délimitent la notion des médias dits «sociaux»

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Morceaux choisis de jurisprudence pénale rendue durant l’année 2020 en lien avec les médias

Miriam Mazou, Avocate, spécialiste FSA droit pénal, et chargée de cours à l’Université de Lausanne, et Lionel Hulliger, MLaw, avocat-stagiaire

Zusammenfassung: Medienstrafrechtlich war das Jahr 2020 durch eine Reihe von Urteilen geprägt, die sich mit dem Begriff der sog. «sozialen Medien» bei der Begehung von Straftaten auseinandersetzten. So hat das Bundesgericht einen Facebook-Nutzer der Verleumdung für schuldig befunden, weil er antisemitische Publikationen auf Facebook «geliked» und weiter geteilt hat (siehe Ziff. 2 des Beitrages). Zum anderen präzisierte es, wann der Straftatbestand der Rassendiskriminierung durch eine Veröffentlichung in sozialen Netzwerken erfüllt ist (Ziff. 3). Weil er nicht Teil der typischen Medienproduktions- und -verbreitungskette war, verneinte das Bundesgericht die Anwendung des Medienprivilegs nach Art. 28 StGB auf einen Facebook-Nutzer, der wegen des Teilens einer ehrverletzenden Publikation belangt worden war (Ziff. 4). Zum allgemeinen Teil des StGB hat das Luzerner Kantonsgericht entschieden, dass eine Journalistin, die im Glauben, wegen ihrer journalistischen Motive nicht gegen das Gesetz zu verstossen, ein von Hausbesetzern bewohntes Haus ohne Zustimmung des Eigentümers betrat, sich in einem Rechtsirrtum befand (Ziff. 5). Weiter hat das Bundesgericht erkannt, dass die Erstellung und Verbreitung einer Broschüre mit einer Karikatur eines Gemeinderats, in der diesem Unehrlichkeit unterstellt wurde, eine Ehrverletzung darstelle (Ziff. 6). Entgegen seiner bisherigen Rechtsprechung verurteilte das Bundesgericht auf der Grundlage von Art. 179ter StGB Personen, die ihr Gespräch mit einem Polizeibeamten (Ziff. 9), mit einem Richter und einer Lehrerin (Ziff. 10) je in Ausübung ihres Amtes aufgezeichnet hatten. Das oberste Gericht hat ferner einer staatlichen Verwaltungsstelle in einem Verfahren gegen einen Journalisten wegen Rassendiskriminierung die Stellung als Geschädigte nach Art. 115 Abs. 1 StPO aberkannt (Ziff. 11). Darüber hinaus bestätigte es, dass sich eine beschuldigte Journalistin nicht einfach auf den Quellenschutz (Art. 172 StPO) berufen kann, um sich einer Entsiegelung beschlagnahmter Mobiltelefone zu widersetzen (Ziff. 13). Zwar steht die Tatsache, dass ein Freigesprochener in einem Presseartikel nicht namentlich genannt wurde, dem Ersatz des immateriellen Schadens nach Art. 429 Abs. 1 Buchst. c StPO nicht entgegen (Ziff. 14), doch muss der Freigesprochene, nachweisen können, dass die hohe Medienpräsenz bei ihm ernsthafte seelische Qualen verursacht hat (Ziff. 15). Schliesslich macht sich, wer Interviews mit einem Al-Qaida-Sympathisanten veröffentlicht, der Propaganda gemäss Art. 2 Abs. 1 des Bundesgesetzes über das Verbot der Gruppierungen «Al-Qaïda» und «Islamischer Staat» sowie verwandter Organisationen schuldig (Ziff 16).

Résumé: En matière de droit pénal des médias, l’année 2020 aura surtout été marquée par plusieurs jugements qui délimitent la notion des médias dits « sociaux » ainsi que la commission d’infractions par leur biais. Le Tribunal fédéral a en effet jugé coupable de diffamation un utilisateur Facebook ayant «liké» et repartagé des publications antisémites sur Facebook (chiffre 2 de la présente contribution). Ensuite, les juges de Mon-Repos ont précisé dans quelle mesure l’infraction de discrimination raciale est consommée par une publication sur les réseaux sociaux (ch. 3). Enfin, considérant qu’il n’évolue pas dans la chaîne typique de production et de diffusion des médias, le Tribunal fédéral a nié l’application du privilège des médias (art. 28 CP) à un utilisateur Facebook poursuivi pour avoir partagé une publication diffamatoire (ch. 4). Sur la partie générale du CP, le Tribunal cantonal lucernois a jugé qu’agit sous l’emprise d’une erreur sur l’illicéité la journaliste qui, persuadée de ne pas enfreindre la loi au vu de ses motivations journalistiques, viole un domicile habité par des squatteurs sans le consentement du propriétaire (ch. 5). Plus spécialement sur l’infraction de diffamation, le Tribunal fédéral a jugé attentatoire à l’honneur l’établissement et la distribution d’une brochure d’où ressort une caricature satirique d’un conseiller municipal, le présentant comme malhonnête (ch. 6) Dans le cadre d’un revirement de jurisprudence, le Tribunal fédéral a condamné, sur la base de l’art. 179ter CP, des personnes ayant enregistré leur discussion avec un policier (ch. 9), respectivement avec un juge et une enseignante (ch. 10), dans l’exercice de leur fonction. D’un point de vue procédural, une entité administrative étatique n’a pas la qualité de lésé (art. 115 al. 1 CPP) dans le cadre d’un procès contre un journaliste pour discrimination raciale (ch. 12). En outre, le Tribunal fédéral a confirmé qu’une journaliste prévenue ne peut pas simplement objecter la protection des sources (art. 172 CPP) pour s’opposer à la levée des scellés (ch. 13). Si le seul fait qu’un prévenu acquitté ne soit pas expressément nommé dans un article de presse n’exclut pas une indemnité pour tort moral au sens de l’art. 429 al. 1 let. c CPP (ch. 14), il doit, pour y avoir droit, être en mesure d’établir que le fort retentissement médiatique lui cause une souffrance morale grave (ch. 15). Finalement, une personne qui publie des interviews d’un sympathisant d’Al-Quaïda se rend coupable de propagande selon l’art. 2 al. 1 de la Loi fédérale interdisant les groupes «Al-Quaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées celui (ch. 16).

1. Introduction

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Cette chronique a pour vocation de présenter – sans prétendre à l’exhaustivité – une sélection d’arrêts rendus au cours de l’année écoulée en matière de droit pénal des médias et de procédure pénale en lien avec les médias. Les arrêts mentionnés dans la présente chronique émanent du Tribunal fédéral ainsi que de Tribunaux cantonaux (Lucerne, Jura, Vaud).

2. On like… ou pas !

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ATF 146 IV 23 du 29 janvier 2020 : Qualifier des opinions d’antisémites ou de «brunes» ne renvoie pas, de par la nature des propos en cause, à une allégation de fait dont la réalité peut être directement examinée. De tels propos sont toutefois susceptibles de constituer un jugement de valeur mixte qui peut faire l’objet de la preuve de la vérité au sens de l’art. 173 ch. 2 CP (consid. 2.2.2). En principe, on ne peut attribuer à l’utilisation des fonctions «j’aime» et «partager» une signification qui va au-delà de la propagation du contenu correspondant, étant donné que la portée interne d’une telle manifestation demeure en tous les cas incertaine. La propagation au sens de l’art. 173 ch. 1 al. 2 CP suppose que les déclarations préalablement formulées par autrui soient communiquées à un tiers. L’infraction n’est consommée que lorsque les propos attentatoires à l’honneur, auxquels réagit celui qui les propage en utilisant les fonctions «j’aime» ou «partager», sont accessibles à un tiers et que celui-ci en prend connaissance (consid. 2.2.3 et 2.2.4) L’art. 173 ch. 1 al. 2 CP prévoit que celui qui aura propagé une accusation ou un soupçon diffamatoire sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire.

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La propagation au sens de cette disposition légale est une infraction propre. Il y a propagation lorsque l’accusation ou le soupçon est communiqué à un tiers. Sur un réseau social, l’infraction est ainsi consommée quand la publication contenant une accusation ou un soupçon diffamatoire devient visible pour un tiers et que celui-ci l’a remarqué à cause du « like » ou du repartage de la publication. Cette visibilité dépend entre autres de la gestion du fil d’actualité ou de l’algorithme du réseau social considéré ainsi que des paramètres personnels relatifs aux utilisateurs concernés. En l’espèce, le prévenu a « liké » et repartagé des publications antisémites sur Facebook. En raison de ces actes, le cercle des destinataires a été alors considérablement élargi, en ce sens que le contenu du message diffamatoire a atteint des personnes qui n’appartenaient pas au cercle des abonnés de l’auteur original de la publication. Partant, le prévenu a propagé une accusation diffamatoire au sens de l’art. 173 ch. 1 al. 2 CP.

3. On n’en redemande … pas !

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TF 6B_644/2020 du 14 octobre 2020 : Le Tribunal fédéral a confirmé le jugement du Tribunal cantonal valaisan selon lequel le comportement d’une personne, engagée en politique et dont les opinions islamophobes étaient notoires, ayant partagé sur Facebook un lien vers un article de presse intitulé « Une fusillade dans une mosquée fait un mort » en l’assortissant du commentaire « On en redemande ! » est constitutif de l’infraction de discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 1 CP. Le Tribunal fédéral a de plus précisé que les publications précédentes du recourant (telle que l’affirmation « l’islam est une saloperie ») constituaient des éléments contextuels pertinents. En effet, elles étaient de nature à créer l’amalgame entre le commentaire litigieux et les opinions islamophobes notoires de son auteur, conduisant ainsi tout lecteur moyen non prévenu à comprendre que ses propos visaient l’ensemble des personnes de confession musulmane (consid. 2.3). Sous l’angle de la liberté d’expression, notre Haute Cour a relevé que la publication du recourant ne s’inscrivait pas dans un débat général d’actualité, notamment car le commentaire lapidaire « On en redemande ! » n’était pas à même d’en initier un (consid. 2.3.7). Au contraire, invitant ses lecteurs à se réjouir de l’événement tragique survenu dans une mosquée et en souhaitant sa répétition, ladite publication véhiculait bien de la haine envers les personnes pratiquant l’islam, portant atteinte à la dignité humaine et tombant ainsi sous le coup de l’art. 261bis al. 1 CP (consid. 2.4). Sur le plan subjectif, le Tribunal fédéral a retenu l’appréciation de la Cour cantonale selon laquelle le recourant a à tout le moins accepté que son commentaire haineux puisse être compris au premier degré comme étant dirigé contre les membres de la communauté musulmane (consid. 3.2.4).

4. Privilège des médias « sociaux » ?

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TF 6B_440/2019 du 18 novembre 2020 : Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer d’une part sur le caractère diffamatoire (art. 173 CP) d’un article publié sur Facebook par un utilisateur, dont le lien a été partagé et complété d’un commentaire sur ledit réseau social par le recourant et, d’autre part, sur l’applicabilité du privilège des médias (art. 28 CP) à une telle situation. L’article indiquait notamment qu’un militant de la cause animale avait eu de multiples condamnations pour des déclarations antisémites, que ce dernier était un antisémite aux multiples condamnations et que l’association qu’il présidait et dirigeait était une organisation antisémite ainsi qu’une association néonazie de défense des animaux. Rappelant que la qualification d’ « antisémite » et de « national-socialiste », constitue un jugement de valeur porté en relation avec des faits, le Tribunal fédéral a tout d’abord confirmé que les affirmations contenues dans l’article pouvaient faire l’objet de l’infraction de diffamation (art. 173 CP), respectivement de la preuve de vérité (consid. 2.2.3). Aussi, sur la base de sa nouvelle jurisprudence (ATF 146 IV 23 consid. 2.2.3, point 2 de la présente contribution), notre Haute Cour a précisé que les affirmations susmentionnées pouvaient être imputées au recourant au vu de son commentaire simultané et de son comportement après la publication, lesquels rendaient son adhésion reconnaissable (consid. 2.3). Dans la mesure où le recourant n’a à tout le moins pas établi que ses « amis » Facebook ayant commenté sa publication devaient être considérés comme des « confidents nécessaires » au sens de la jurisprudence, l’infraction a bel et bien été consommée (consid. 2.4). S’écartant du jugement de l’instance précédente, le Tribunal fédéral a considéré que, puisque l’intimé avait affirmé dans une interview avoir été condamné à plusieurs reprises pour discrimination raciale, le recourant était en droit, dans l’exercice de sa liberté d’expression, de diffuser une telle déclaration même si elle était inexacte (consid. 4.2). En outre, concernant la deuxième affirmation litigieuse, le Tribunal fédéral a estimé que le recourant avait apporté la preuve libératoire permettant de conclure que l’intimé se trouvait dans un état d’esprit antisémite au moment de la publication (consid. 4.3). Ainsi, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à l’autorité inférieure afin qu’elle se détermine sur la validité de la preuve libératoire à l’égard de l’association de l’intimé (consid. 4.4).

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Dans une deuxième partie de l’arrêt, le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure le privilège des médias (art. 28 CP), soit la responsabilité pénale exclusive de l’auteur, pouvait s’appliquer à une diffusion ultérieure de publication sur Facebook. En premier lieu, notre Haute Cour a rappelé que ladite disposition concrétisait l’importance de la liberté d’expression (art. 16 al. 2 Cst) et de la liberté des médias (art. 17 Cst) dans un État de droit démocratique (consid. 5.2). D’un point de vue systématique, l’art. 28 CP se place à la suite des formes de participation de la partie générale du CP, en tant qu’il y instaure une dérogation (consid. 5.3). Se penchant ensuite sur la notion de « média », le Tribunal fédéral a précisé qu’historiquement, la disposition visait initialement la presse écrite et à éviter que l’imprimeur, le rédacteur et l’éditeur, « par crainte d’être poursuivis comme complices, ne refusent de prêter le concours à la création d’idées nouvelles » (FF 1918 IV 1, p. 12). Un tel système d’exception était également souhaitable eu égard à la difficulté de déterminer si et dans quelle mesure chaque participant individuel était coupable (consid. 5.4.1). Bien que la disposition soit restée inchangée avec la modification du droit pénal et procédure pénale des médias du 17 juin 1996, le Tribunal fédéral a souligné que l’intention du législateur était de l’étendre aux autres médias, à savoir la radio, la télévision ou « d’autres moyens de communication » (FF 1996 IV 533, p. 558). Notre Haute Cour a ajouté qu’une conception large de la notion de média était également défendue par la doctrine, dont la majorité considère que les médias dits sociaux doivent être considérés comme un média au sens de la loi (consid. 5.4.2). Sur le plan littéral, le Tribunal fédéral a soutenu que la formulation ouverte de la disposition et des documents officiels visait non seulement tous les moyens, mais aussi tous les supports de communication. Par ailleurs, l’extension de l’art. 28 CP aux formes de communication individuelle serait en contradiction avec la ratio legis, étant précisé que les médias sociaux ne peuvent simplement être rangés dans cette catégorie. En outre, le privilège des médias s’applique à toute personne qui participe à la production ou la diffusion d’un produit médiatique et ne nécessite pas le « caractère périodique » de l’art. 28a al. 1 CP ni l’« entreprise des médias » de l’art. 322 al. 1 CP (consid. 5.4.3). Son applicabilité dépend également de l’accessibilité du produit médiatique au public, ce qui est en principe le cas sur les plateformes de médias sociaux, pour autant que les paramètres personnels de l’utilisateur ne le restreignent pas à un cercle limité (consid. 5.4.4). Eu égard à l’exigence de la consommation de l’infraction par la publication prévue par l’art. 28 CP, le Tribunal fédéral en a déduit que le concept large des médias implique d’examiner dans chaque cas individuel la chaîne typique de production et de diffusion de ceux-ci (consid. 5.5). Tout en considérant que le « partage » de l’article sur Facebook était, en tant que support, soumis à l’application de l’art. 28 CP, le Tribunal fédéral a conclu en l’espèce que le recourant n’évoluait pas dans la chaîne typique de production et de diffusion des médias, en ce sens que l’article avait déjà été posté par l’auteur et n’était dès lors plus sous son contrôle. Partant, une participation privilégiée au sens de l’art. 28 CP est exclue (consid. 5.6). [1] 

5. Intérêt public à l’information comme motif justificatif ?

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Tribunal cantonal de Lucerne, 4M 19 87 du 25 mars 2020 : Le Tribunal cantonal lucernois a jugé qu’une journaliste, qui est entrée dans une villa occupée par des squatteurs dans le but d’y faire un reportage avant leur expulsion, s’était rendue coupable de violation de domicile (art. 186 CPP). Tout en niant une erreur sur les faits (art. 13 CP) à propos d’un supposé consentement du propriétaire à l’occupation des squatteurs jusqu’à leur expulsion (consid. 4.5.2.1), le Tribunal cantonal de Lucerne a retenu que la journaliste avait agi sous l’emprise d’une erreur sur l’illicéité (art. 21 CP) puisqu’elle ne pensait pas violer l’ordre juridique en pénétrant dans la propriété à des fins de recherche journalistique. Dans la mesure où cette erreur était évitable, le Tribunal a atténué la peine (consid. 4.5.2.2). En outre, le Tribunal cantonal a jugé que l’intérêt public à l’information sur le squat, même s’il s’agissait d’un sujet politique faisant l’objet d’une large couverture médiatique, n’était pas assez important pour exclure l’illégalité de l’acte, ce d’autant plus que les informations figurant dans son reportage auraient facilement pu être obtenues par d’autres moyens (consid. 4.6.3). Cette décision fait l’objet d’un recours en matière pénale par-devant le Tribunal fédéral. [2]

6. Diffamation et politique

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TF 6B_36/2020 du 19 juin 2020 : Le Tribunal fédéral a donné raison au Tribunal cantonal tessinois, lequel a condamné pour diffamation celui qui, dans le cadre d’un référendum sur un changement de plan d’urbanisme voté par l’exécutif communal, a accusé, par le biais d’un article de journal et d’une brochure d’information, un conseiller municipal et son père d’avoir modifié ledit plan pour leur propre intérêt plutôt que celui de la collectivité. Notre Haute Cour a relevé d’une part que le recourant n’avait pas apporté la preuve de la véracité de ses accusations (consid. 3.2). D’autre part, le contexte politique animé ne justifiait guère de tolérer des allégations faisant passer les plaignants pour des personnes malhonnêtes, allant ainsi au-delà de la critique politique et de la liberté d’expression garantie par les articles 10 CEDH et 16 Cst (consid. 3.3).

7. Diffamation et calomnie contre un mort

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Tribunal cantonal vaudois, CREP n°476 du 19 juin 2020 : La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a prononcé l’annulation d’une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) rendue en faveur d’un journaliste qui avait publié un article au sujet d’une défunte, cinq jours après sa mort. Il ressortait de l’article que cette dernière possédait des sociétés qui avaient permis de dissimuler des millions de francs de bénéfices et qu’elle était l’ayant droit économique de comptes sur lesquels l’argent avait illicitement transité. Ainsi, selon le Tribunal cantonal, les écrits du journaliste visaient manifestement la commission par la défunte d’une infraction pénale et/ou fiscale, quand bien même l’Administration fédérale des contributions avait, dans un rapport publié avant l’article, conclu qu’elle n’en était ni co-auteure, ni complice. Contrairement à l’avis de la Procureure, les juges cantonaux ont considéré que les éléments constitutifs des infractions de diffamation (art. 173 CP) et de calomnie (art. 174) contre un mort (art. 175) n’étaient pas d’emblée exclus. En effet, selon les juges, il semblait que les propos du journaliste, ainsi que le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble pour un lecteur moyen, étaient constitutifs d’une atteinte à l’honneur pénalement répréhensible. Partant, la cause a été renvoyée au Ministère public afin de déterminer si le journaliste peut apporter la preuve de la vérité ou de sa bonne foi (consid. 3.3).

8. Potentielle atteinte à l’honneur, mais pas de contrainte

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Tribunal cantonal du canton de Vaud, CREP n°354 du 12 mai 2020 : Dans cet arrêt, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a dû se prononcer sur le bien-fondé d’une ordonnance de non-entrée en matière à l’égard de plaintes d’une société propriétaire de parcelles et effectuant des travaux sur celles-ci. Les plaintes visaient la commission de plusieurs infractions à son égard principalement par le biais de deux articles de presse. En premier lieu, les juges cantonaux se sont concentrés sur l’éventuel caractère diffamatoire des propos relayés. Ils ont relevé que, dans un premier article, la journaliste avait rapporté les propos d’un conseiller municipal selon lesquels « des travaux non conformes au permis ont été réalisés » et « la Ville a trop souvent accordé foi aux engagements d’un propriétaire voyou ». Dans la mesure où la première phrase décrit un comportement puni de l’amende (art. 130 al. 1 LATC) et que la deuxième utilise un mot se rapportant à des activités délictueuses, le degré de certitude requis par l’art. 310 CPP pour exclure l’infraction de diffamation (art. 173 CP) n’était pas atteint. Du reste, l’image peu flatteuse convoyée par l’article, qui décrirait la plaignante comme une société ayant profité de ses sous-traitants et ayant mis une autre société en faillite, ne constituait pas une atteinte à son honneur (consid. 3.3.1). La Chambre cantonale a considéré que le comportement sous-entendu dans le deuxième article, soit qu’une partie du crédit de construction aurait été versée sous forme d’honoraires à une autre entreprise, dont les administrateurs seraient aussi ceux de la plaignante, plutôt qu’à d’autres acteurs du chantier, relevait potentiellement de l’abus de confiance (art. 138 CP). Dès lors, le Ministère public ne pouvait pas à ce stade exclure que l’article portait atteinte à l’honneur de la plaignante. Par contre, des assertions remettant en doute sa solvabilité ne la faisaient pas apparaître comme méprisable, ni ne portaient atteinte à son honneur (consid. 3.3.2). Les juges ont également estimé que n’étaient pas contraire à l’honneur des propos sur l’obtention du permis de construire à la plaignante, dès lors qu’ils prenaient la forme interrogative (consid. 3.3.3).

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En deuxième lieu, sur la plainte de contrainte (art. 181 CP), ainsi que d’extorsion et chantage (art. 156 CP), la Chambre a considéré que la publication des articles, mêmes s’ils n’étaient guère flatteurs, n’entravait pas la liberté d’agir de la plaignante (consid. 4.3). Enfin, la plaignante a fait grief à des fonctionnaires d’avoir violé leur secret de fonction (art. 320 CP) en révélant à la journaliste des informations relatives au chantier et aux procédures le concernant. D’une part, les juges cantonaux ont confirmé le non-lieu s’agissant d’informations révélées sur les personnes présentes lors d’une visite de chantier, en ce sens qu’elles étaient d’intérêt public et n’étaient pas limitées à un cercle restreint de destinataires (consid. 5.3.1). D’autre part, l’infraction prévue par l’art. 320 CP n’a pas pu être exclue concernant des propos relatifs à l’existence ou à l’aboutissement d’une procédure de permis de construire. En effet, il s’agit d’éléments du dossier en principe confidentiel pour lesquels il existe un intérêt légitime au maintien du secret (consid. 5.3.2).

9. Revirement de jurisprudence sur la notion de conversation non publique

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TF 6B_943/2019 du 7 février 2020, ATF 146 IV 126 – art. 179ter CP : Le Tribunal fédéral a considéré qu’un directeur d’une société de surveillance ayant enregistré deux conversations téléphoniques avec un agent de police, sans avertir ce dernier, au sujet d’une altercation entre un individu et des agents de surveillance de sa société, pour ensuite les transmettre notamment à un lieutenant de la Police de la Navigation ainsi que le responsable du site, s’est rendu coupable d’enregistrements non autorisés de conversations au sens de l’art. 179ter al. 1 et 2 CP. Ainsi, notre Haute Cour a décidé d’abandonner sa précédente jurisprudence selon laquelle la notion de conversation « non publique » de l’art. 179ter CP devait se rapporter au domaine secret ou privé de ceux qui y prennent part et intervenir dans un contexte de relations personnelles ou commerciales, à l’exclusion de l’exercice d’un devoir de fonction (ATF 108 IV 161 consid. 2, Jdt 1983 IV p. 140, dans lequel le Tribunal fédéral a jugé que l’art. 179ter CP ne s’appliquait pas dans le cadre d’une audition d’enquête préliminaire, dans la mesure où les policiers agissaient dans l’exercice de leur fonction et que leurs questions ne concernaient pas le domaine privé de leur interlocuteur, mais seulement son infraction à la circulation routière). Dans ce présent jugement (ATF 147 IV 126), tout en nuançant la jurisprudence précitée, le Tribunal fédéral a notamment relevé que, sous l’angle de l’interprétation téléologique, l’art. 179ter CP poursuit le but qu’un individu puisse s’exprimer verbalement en toute liberté, c’est-à-dire sans craindre que ses propos ne soient enregistrés contre sa volonté, ceci sans égard au caractère privé des propos ou à la qualité de l’interlocuteur (consid. 3.5). Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que pour déterminer si une conversation est « non publique » au sens des art. 179bis et 179ter CP, il faut examiner, au regard de l’ensemble des circonstances, dans quelle mesure elle pouvait et devait être entendue par des tiers. En outre, la conversation n’est pas publique lorsque ses participants s’entretiennent dans l’attente légitime que leurs propos ne soient pas accessibles à tout un chacun. À cet égard, le Tribunal fédéral a précisé que la nature de la conversation ne constituait qu’un indice (consid. 3.6). Partant, les conditions objectives de l’art. 179ter CP étaient in casu réalisées (consid. 3.7). [3]

10. Publication sur Facebook d’une conversation enregistrée de manière non autorisée

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TF 6B_395/2020 du 10 octobre 2020 : Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation au titre de l’art. 179ter al. 1 CP d’une personne ayant enregistré des conversations téléphoniques avec un juge, respectivement avec une enseignante, dans l’exercice de leur fonction. Par la publication sur Facebook de la conversation enregistrée avec l’enseignante, le recourant a également réalisé les éléments constitutifs de l’art. 179ter al. 2 CP (consid. 5).

11. Journaliste enregistreur acquitté

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Tribunal cantonal du Jura, CP 34/2019 du 14 septembre 2020 : Dans cet arrêt, le Tribunal cantonal a acquitté un journaliste prévenu de l’infraction d’enregistrement non autorisé de conversations (art. 179ter CP). Il lui était reproché d’avoir enregistré l’ensemble des déclarations de l’appelant dans le cadre d’un entretien ayant pour but la publication d’un article de presse. Le Tribunal a considéré que l’entretien ne constituait pas, en tant que tel, une conversation privée, dès lors que les informations que l’appelant a données au journaliste dans ce contexte devaient servir de base d’un article destiné à la publication dans la presse (consid. 5.2). La dernière instance cantonale a en outre estimé que l’appelant avait l’intention de divulguer publiquement l’entier des déclarations enregistrées. Dès lors qu’il n’a jamais précisé l’inverse au prévenu, que les informations évoquées faisaient partie intégrante des thèmes de l’article, qu’il a rédigé une lettre les confirmant à l’issue de l’entretien et que les questions du prévenu n’étaient pas suggestives, ni captieuses, le Tribunal en a conclu que l’appelant ne s’était pas exprimé dans l’attente légitime que tout ou partie de ses propos ne soient pas accessibles à tout un chacun (consid. 5.2.1). Partant, l’un des éléments constitutifs prévus par l’art. 179ter CP faisait défaut.

12. Absence de qualité de partie d’une entité administrative dans une procédure pénale contre un journaliste pour discrimination raciale

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TF 1B_250/2020 du 6 octobre 2020 ; Une entité administrative étatique n’a pas la qualité de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP dans le cadre d’une procédure pénale ouverte contre un journaliste pour discrimination raciale à l’égard de l’un de ses employés. La genèse de cet arrêt réside dans la publication de plusieurs articles par un journaliste qui, tout en qualifiant le procédé d’élimination des déchets de « mafieux », exposaient que des éboueurs – qui seraient des érythréens employés par le service de nettoyage municipal – auraient pris des poubelles directement dans des magasins, contournant ainsi l’obligation de payer la taxe. Une procédure pénale pour discrimination raciale ayant été ouverte contre le journaliste, le Département des constructions et des transports de Bâle-Ville avait demandé à se constituer partie civile, ce que le Ministère public cantonal avait refusé. Dans son jugement, le Tribunal fédéral s’est rallié à la position du Ministère public selon laquelle le recourant, en tant qu’unité administrative étatique, n’avait pas la qualité de lésé au sens de l’art. 115 CPP. En effet, l’intérêt juridique de la dignité humaine protégé par l’art. 261bis al. 4 CP est lié à l’être humain, de telle sorte que le recourant ne peut être directement touché ou violé dans ses droits par les actes du journaliste, étant précisé que seul le fait d’être personnellement mentionné dans les articles ne permettrait d’en considérer l’inverse (consid. 3.4). Partant, n’étant pas reconnu comme lésé, le recourant ne pouvait pas participer à la procédure en tant que partie civile selon l’art. 118 CPP (consid. 3.5).[4]

13. Limites à la protection des sources

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TF 1B_389/2019 du 16 janvier 2020 : Sur la même ligne que son arrêt 1B_550/2018 du 6 août 2019, le Tribunal fédéral a confirmé la levée des scellés de trois téléphones portables séquestrés chez une journaliste kurde prévenue de contrainte et de menaces. Le Tribunal fédéral a dans un premier temps considéré que la journaliste, formellement prévenue dans la procédure pénale dont les soupçons à son égard apparaissaient suffisamment concrets, ne pouvait invoquer la protection des sources journalistiques au sens de l’art. 172 al. 1 CPP que vis-à-vis de correspondances avec des professionnels des médias non-prévenus (consid. 2.6 et 2.7). Dans un second temps, le Tribunal fédéral a rappelé que, lors d’une procédure de mise sous scellés, les intérêts au maintien du secret doivent être brièvement décrits et rendus vraisemblables, de même que les dossiers et fichiers soumis à la protection doivent être nommés, le TMC n’étant pas tenu de les rechercher d’office (consid. 4.2). In casu, selon le Tribunal fédéral, la recourante n’a pas démontré que les dossiers scellés contenaient des correspondances avec des professionnels des médias non-prévenus dans cette affaire. Cette dernière ne s’est donc pas conformée à l’obligation procédurale d’étayer suffisamment les intérêts du secret qu’elle a invoqué (consid. 4.3). S’agissant ensuite de la tenue d’une audience judiciaire formelle de « triage » en présence de la recourante et de son avocat, le Tribunal fédéral a rejeté le grief de violation du principe de proportionnalité (consid. 3), respectivement d’arbitraire (consid. 5), dans la mesure où la recourante n’a pas spécifiquement identifié quels documents scellés pouvaient relever de la protection du secret des sources journalistiques. À cet égard, notre Haute Cour a ajouté qu’après le séquestre formel des fichiers probants pertinents (263 al. 1 let. a CPP), rien n’empêche la recourante de déposer une requête auprès de la direction de la procédure afin de protéger ses intérêts légitimes au maintien du secret (art. 101 al. 2 et 3 et 102 al. 1 CPP).

14. Indemnisation en raison du retentissement médiatique, recours admis

17

ATF 146 IV 231 du 13 juillet 2020 : Le Tribunal fédéral a examiné la demande d’indemnisation en réparation du tort moral au sens de l’art. 429 al. 1 let. c CPP d’un prévenu acquitté en dernière instance cantonale. Ce dernier avait fait l’objet d’une détention provisoire d’un peu moins de 24 heures et, selon lui, d’une couverture médiatique importante. Le Tribunal fédéral a évoqué sa jurisprudence en vertu de laquelle des publications dans les médias préjugeant de la culpabilité d’une personne soupçonnée pouvaient justifier une atténuation appropriée de la peine (ATF 128 IV 97 consid. 3b ; TF 6B_1110/2014 du 19 août 2015 consid. 4.3). De surcroît, le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’une représentation importante dans les médias pouvait, en cas d’acquittement, constituer une atteinte à la personnalité en principe apte à fonder une requête d’indemnisation selon l’art. 429 al. 1 let. c CPP. En l’espèce, c’est à tort que la juridiction inférieure s’était bornée à affirmer que le recourant, dont le nom n’avait pas été cité dans les divers articles, n’avait pas subi d’atteinte à sa personnalité. Selon le Tribunal fédéral, ce simple fait ne suffisait pas à exclure ladite atteinte. Dès lors que la décision de la dernière instance cantonale ne respectait pas les conditions de motivation en fait et en droit au sens de l’art. 112 al. 1 let. b LTF, le Tribunal fédéral lui a renvoyé la cause afin qu’elle examine l’étendue de l’exposition médiatique, ainsi que ses conséquences sur le recourant (consid. 2.6.1).

15. Indemnisation en raison du retentissement médiatique, recours rejeté

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TF 6B_280/2019 du 19 mai 2020 : Le recourant avait été acquitté du chef d’infraction à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale par le Tribunal cantonal tessinois, qui lui avait notamment nié tout préjudice moral en lien avec la procédure pénale. Dans sa majeure, le Tribunal fédéral a rappelé que l’indemnité de l’art. 429 al. 1 let. c CPP doit être appréciée selon l’art. 49 CO (consid. 3.2). En particulier s’agissant de l’exposition médiatique, il y a lieu de tenir compte (i) d’une arrestation ou d’une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, (ii) d’une durée très longue de la procédure ou d’une importante exposition dans les médias et (iii) des conséquences familiales, professionnelles ou politiques d’une procédure pénale, de même que des assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d’enquête (ATF 143 IV 339 consid. 3.1). In casu, notre Haute Cour a estimé que le recourant se limitait à invoquer des répercussions générales sur son image et sa réputation, sans les étayer. Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que le recourant n’avait pas établi que celles-ci étaient de nature à déduire une souffrance morale grave, quand bien même la procédure pénale avait été longue et l’exposition médiatique importante (consid. 3.3).

16. Documentaire ou propagande ?

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TF 6B_169/2019 du 26 février 2020 : Le Tribunal a confirmé la condamnation, sur la base de l’art. 2 al. 1 de la Loi fédérale interdisant les groupes « Al-Quaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées, d’un membre d’une association ayant publié plusieurs vidéos contenant notamment des interviews d’un sympathisant d’Al-Quaïda. Notre Haute Cour a considéré que le recourant avait l’intention de commettre l’infraction de propagande prévue par cette disposition. En effet, ce dernier connaissait l’idéologie de la personne interviewée, l’a mise en scène de manière positive dans ses vidéos et a diffusé un appel au djihad armé sans filtre ni relativisation des propos. Sa prétendue motivation documentaire et journalistique, soit de fournir des informations sur la guerre civile syrienne, n’a dès lors pas été retenue par le Tribunal fédéral. Faute de motivation suffisante, le Tribunal fédéral ne s’est pas prononcé sur le grief spécifique de la violation de la liberté des médias (art. 17 Cst, art. 10 CEDH).


Notes de bas de page:

[1] Cet arrêt a été commenté par Viktor Györffy dans medialex 01/2021

[2] Le Tribunal fédéral a depuis lors admis le recours contre cette décision et ordonné l’abandon de la procédure en raison de l’absence d’une plainte pénale valable. La discussion de ce dernier arrêt du Tribunal fédéral 6B_1214/2020 peut être trouvée dans medialex 04/2021.

[3] Cet arrêt a été commenté par Christoph Born dans medialex 03/2020

[4] Cet arrêt a été commenté par Rudolf Mayr von Baldegg dans medialex 06/2020

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